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Les villes à travers les documents anciens

Page de garde de L'Univers de Jules Janin

Jérusalem vers 1840

 

Jérusalem vers 1840 - gravure reproduite et restaurée numériquement par © Norbert Pousseur
Jérusalem depuis le Mont des Oliviers, avec la vallée de Josaphat en contre-bas, gravure non signée

 

Texte et gravure
extraits de l'ouvrage "L'Univers - collection des vues les plus pittoresques du globe" de Jules Janin - édition ~1840

Nous partons à cinq heures du matin du désert de Saint-Jean-Baptiste. Nous attendons l’aurore, à cheval, dans la cour du couvent. A cinq heures et demie nous sommes en marche. — A notre droite, le désert de Saint-Jean, où retentit la voix : vox clamantis in deserto, se creuse comme un immense abîme entre cinq ou six hautes montagnes. A notre gauche et tout près de nous, voici une ruine de tour ou de château antique ; on distingue quelques autres ruines, semblables aux arches d’un aqueduc. Nous laissons derrière nous ces ruines étincelantes des rayons les plus hauts du matin. Après avoir gravi une seconde montagne, plus haute et plus nue encore que la première, l'horizon s’ouvre tout à coup sur la droite et laisse voir tout l’espace qui s’étend entre les derniers sommets de la Judée où nous sommes, et la haute chaîne des montagnes d’Arabie. Sur les bords de cet océan imaginaire, le soleil brillait sur une tour carrée, sur un minaret élevé, sur les larges murailles jaunes de quelques édifices qui couronnent le sommet d’une colline basse, et dont la colline même nous dérobait la vue ; mais à quelques pointes de minarets, à quelques créneaux de murs plus élevés, à la cime noire et bleue de quelques dômes qui pyramidaient derrière la tour et le grand minaret, on reconnaissait une ville dont nous ne pouvions deviner que la partie la plus élevée. Ce ne pouvait être que Jérusalem ! . . . .

C’était Jérusalem! Elle se détachait en jaune sombre et mat sur le fond bleu du firmament et sur le fond noir du mont des Oliviers. Nous arrêtâmes nos chevaux pour la contempler dans cette mystérieuse et éblouissante apparition ! ... La porte de Bethléem, dominée par deux tours de créneaux gothiques, était ouverte devant nous. — Voici la scène :
La montagne des Oliviers, au sommet de laquelle je suis assis, descend en pente brusque et rapide jusque dans le profond abîme qui la sépare de Jérusalem, et qui s’appelle la vallée de Josaphat. Au fond de cette sombre et étroite vallée s’élève une immense et large colline, et vers le milieu de cette colline de hautes et fortes murailles prennent naissance. Et de là Jérusalem tout entière s’étend et jaillit, pour ainsi dire, devant nous, sans que l’œil puisse en perdre un toit ou une pierre, et comme le plan d’une ville en relief que l’artiste étalerait sur une table. Cette ville, non pas comme on nous l’a représentée, amas informe et confus de ruines ou de cendres sur lesquelles sont jetées quelques chaumières d’Arabes, ou plantées quelques tentes de Bédouins ; non pas, comme Athènes, chaos de poussière et de murs écroulés, mais ville brillante de lumière et de couleurs, présentait noblement aux regards, intacts et crénelés, sa mosquée bleue avec ses colonnades blanches, ses milliers de dômes resplendissants, ses vieilles tours, gardiennes de ses murailles, auxquelles il ne manque ni une meurtrière ni un créneau, et enfin, au milieu de cet Océan de maisons et de cette nuée de petits dômes qui les recouvrent, un dôme noir et surbaissé, plus large que les autres, dominé par un autre dôme blanc : c’est le Saint Sépulcre et le Calvaire ; ils sont confondus et comme noyés, de là, dans l’immense dédale de dômes, d’édifices et de rues qui les environnent. Voilà la ville du haut de la montagne des Oliviers ! Elle n’a pas d’horizon derrière elle, ni du côté de l’Occident ni du côté du Nord. La ligne de ses murs et de ses tours, les aiguilles de ses nombreux minarets, ses cintres et ses dômes éclatants, se découpent à nu légèrement sur le bleu d’un ciel d’Orient ; et la ville, ainsi portée et présentée sur un plateau large et élevé, semble briller encore de toute la splendeur de ses prophètes, ou n’attendre qu’une parole pour sortir tout éblouissante de ses dix-sept ruines successives, et devenir cette Jérusalem nouvelle qui sort du sein du désert brillante de clartés !
C’est la vision la plus éclatante que l’œil puisse avoir d’une ville qui n’est plus, car elle semble être encore et rayonne comme une ville pleine de jeunesse et de vie ; et cependant, si l’on y regarde avec plus d’attention, on sent que ce n’est plus, en effet, qu’une belle vision de la ville de Salomon et de David.

L’aspect général des environs de Jérusalem peut se peindre en peu de mots : montagnes sans ombre, vallée sans eau, terre sans verdure, rochers sans terreur et sans grandiose ; quelques blocs de pierre grise percent la terre friable et crevassée ; de temps en temps un figuier auprès ; une gazelle ou un chacal se glissent furtivement entre les brisures de la roche ; quelques plants de vigne rampent sur la cendre grise ou rougeâtre du sol ; de loin en loin un bouquet de pâles oliviers jetant une petite tache d’ombre sur les flancs escarpés d’une colline ; à l’horizon un térébinthe ou noir caroubier se détachant triste et seul du bleu du ciel ; les murs et les tours grises des fortifications de la ville apparaissant de loin sur la crête de Sion : voilà la terre; un ciel élevé, pur, net, profond, où jamais le moindre nuage ne flotte et ne se colore de la pourpre du soir et du matin; du côté de l’Arabie un large gouffre descendant entre les montagnes noires et conduisant les regards jusqu’aux flots éblouissants de la mer Morte, et à l’horizon violet des cimes des montagnes de Moab ; pas un souffle de vent murmurant entre les créneaux ou entre les branches sèches des oliviers ; pas un oiseau chantant, ni un grillon criant dans la terre sans herbe ; un silence complet, éternel, dans la ville, sur les chemins, dans la campagne; telle était Jérusalem pendant tous les jours que nous passâmes sous ses murailles. Je n’y ai entendu que le hennissement de mes chevaux qui s’impatientaient au soleil, autour de notre camp, et qui creusaient du pied le sol en poussière ; et d’heure en heure le chant mélancolique du muezzin criant l’heure du haut des minarets, ou les lamentations cadencées des pleureurs turcs, accompagnant en longues files les pestiférés aux différents cimetières qui entourent les murs de Jérusalem. Jérusalem, où l’on vient visiter un sépulcre, est bien elle-même le tombeau d’un peuple, mais tombeau sans cyprès, sans inscriptions, sans monuments, dont on a brisé la pierre, et dont les cendres semblent recouvrir la terre qui l’entoure de deuil, de silence, de stérilité. Nous y jetâmes plusieurs fois nos regards en la quittant, du haut de chaque colline d’où nous pouvions l’apercevoir encore ; et enfin nous vîmes, pour la dernière fois, la couronne d’oliviers qui domine la montagne de ce nom, et qui surnage longtemps dans l’horizon, après qu’on a perdu la ville de l’œil, s’abaisser elle-même dans le ciel et disparaître comme ces couronnes en fleurs pâles que l’on jette dans un sépulcre.
(M. de Lamartine , Voyage en Orient.)
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