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Les villes à travers les documents anciens

Page de garde de La Bretagne de JJ Potel - gravure reproduite et restaurée numériquement par © Norbert Pousseur

L'église de Guérande vers 1840

 

Façade de l'église de Guérande - gravure reproduite et restaurée numériquement par © Norbert Pousseur
La façade de l'église de Guérande vers 1840, gravure de Jérôme Jean Potel

 

Texte et gravure
extraits de l'ouvrage "La Bretagne de Jérôme Jean Potel - édition 1844

L'église de Guérande résume à elle seule presque tous les différents genres de l'architecture catholique. Le roman, le byzantin, l’ogive avec ses différentes phases, le style de la Renaissance, celui du siècle de Louis XlV, s’y trouvent réunis par suite des additions ou des reconstructions qu’on y a faites de siècle en siècle.
Les habitants de Guérande consacrèrent cette église à Saint-Aubin, en reconnaissance d’un miracle qu’il fit pour les délivrer des Normands, et que raconte ainsi Albert de Morlaix, dans une de ses délicieuses légendes :

« Comme les assiégés étaient encor ès barrières, voilà visiblement descendre du cyel, ung cavalier armé de toutes pièces, monté sur ung bon coursier, la lance sur la cuysse, mais brillant et luisant comme le soleil, qui leur dict que, puisqu'ils l'avaient prins pour leur patron, et en ce grand dangier invoqué à leur ayde, il n'y avait voulu faire faute, qu’ils eussent bon couraige et le suyvissent. Disant cela se mit en teste des compaignies guerrandaises, lesquelles, soubz sa conduyte, marchèrent vers le camp des ennemys, qu’ils surprinrent ne s’en donnant garde, et ne pensant que les assiégés eussent osé s’aviser de telle entreprinse. Ils mirent tout le camp en déroute, et en feirent tel camaige que la terre demoura toute couverte de corps morts, et cela faict cet heureux chevalier dispareut et se déroba de leurs yeulx. »

Le schisme de Gislard fut la cause de la première construction de l’église de Guérande, que lui donna Salomon III, en 868, avec l’archidiaconé de Lamée et un chapitre de douze chanoines, pour le dédommager de la perte du siège épiscopal de Nantes. Voilà pourquoi l’église Saint-Aubin, ancienne métropole de l'archidiaconé, porte encore de nos jours le nom de cathédrale. Quelques lourds piliers romans, aux chapiteaux hideusement historiés, sont peut-être les restes de ce premier édifice. Le style byzantin les unit par des ogives, et les traces de reprises dans le mur sont évidentes. Deux ou trois fenêtres à lancettes longues et aigües décèlent l’œuvre du XIIIe siècle, et une galerie à trèfles et trilobés, celle du style rayonnant. Presque tout le reste appartient au XVe, à l’exception de deux autels dans le goût du grand siècle, et des voûtes en bois construites au XVIe après l’invasion de Guérande par Louis d’Espagne.
Ce qu’a fait le XVe siècle à l’église Saint-Aubin est ce qu’il y a de plus remarquable. Le chœur surtout est d’une légèreté étonnante ; l’archéologue, en le voyant, déplore la perte des voûtes en pierre dont il ne reste plus que la naissance des arceaux, et que malheureusement on n’a pas rétablies. Il regrette aussi la mutilation de ces belles et célèbres verrières, brisées par un orage, il y a deux ans, et qu’on a réparées avec autant de maladresse que de mauvais goût. L’une d’elles, plus intacte que les autres, permet encore d’y reconnaître, à l’aide des légendes écrites, la vie de Saint-Julien, évêque de Tours. Les fenêtres de Saint-Aubin sont, ainsi que les vitraux, de la période ogivale flamboyante ; mais les meneaux, comme au Croisic et au bourg de Batz, au lieu de se projeter en flammes, sont coupés par d’autres meneaux perpendiculaires, d’après les lois du genre ogival ternaire anglais.

Après ce coup d’œil jeté dans l’intérieur de la basilique et sur son histoire, la façade mérite un examen sérieux. Elle est belle, hardie, imposante ; mais elle le serait encore bien davantage sans une étrange restauration moderne. Autrefois, cette façade portait, à son sommet, assis sur un gracieux cul-de-lampe dont on voit encore les restes, un de ces jolis clochetons dont la Renaissance couronnait les édifices. Eh bien, qu’a-t-on fait ? On a prétendu qu’il menaçait ruine, et, au lieu de le réparer, on l’a abattu pour le remplacer par une sorte de lanterne à jalousies vertes, qui ressemble plutôt à la guérite d’un douanier qu’au clocher d’une église.
Au-dessous de celle œuvre détestable du XIXe siècle, se dessine dans de vastes proportions un portail riche et élégant. Il est formé par une grande ogive dont les voussures sont garnies de quatre rangs de feuillages contournés, sculptés dans le granit avec une délicatesse exquise. Une seconde ogive surbaissée, divisée par le pilier du jugement, est inscrite à la partie inférieure et forme les deux valves de la porte. La partie supérieure était autrefois une fenêtre comme on on voit au fronton de nos cathédrales : mais sans doute on aura pensé qu’elle donnait trop de jour ! et on a remplacé le vitrage par une muraille. De chaque côté s’élèvent deux contre-forts enrichis de filets prismatiques et de panneaux trilobés. Leur sommet est pyramidal et, de même que le galbe, il est hérissé de crochets ou choux frisés. Tous les contre-forts de Guérande, surtout ceux de l’abside, ont le même mode d’ornementation.
Un portique latéral au midi donne accès dans l’église. La balustrade flamboyante et les arcs-boutants à jour qui le couronnent sont du meilleur goût, et les détails de la porte sont traités avec la profusion élégante de la Renaissance.
Il n’y a pas de tombeaux dans l’église de Guérande, mais en revanche elle possède un fort joli bénitier de granit. La coupe est appuyée sur quatre colonnettes et brodée d’une imitation de balustrade rayonnante.
Comme on le voit, l’antique église de Saint-Aubin mérite encore d’être l’objet des studieuses méditations de l’historien et de l’antiquaire. Puisse la ville de Guérande seconder les désirs de ses administrateurs et de son pieux pasteur en réparant d’une manière digne d’elle les ravages du temps et de la main des hommes !

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