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Les villes à travers les documents anciens

Tulle au fil du temps
Ce qu'il advint à Tulle de ses débuts jusqu'au 19ème siècle

Tulle vers 1850 - gravure restaurée numériquement par © Norbert Pousseur
Tulle vers 1850, gravure illustrant un coin de la carte de la Corrèze de 1851, par Vuillemin

Voir Tulle au 19ème siècle, texte et gravures

Voir aussi la département de Corrèze en 1883

Histoire détaillée et anecdotique de Tulle texte de M. Alexis de Falon, extrait de Histoire des villes de France d'Aristide Guilbert - 1859, Collection personnelle

Qui a fondé Tulle ? À quelle époque faut-il faire remonter sa fondation ?
Selon Baluze {Historia Tutelensis), Tulle serait née, au VIIe siècle seulement, d’un monastère de l’ordre de Saint Benoit, qui fut bâti vers cette époque sur les bords de la Corrèze. Bonaventure Saint-Amable, auteur des Annales du Limousin, prétend au contraire que saint Martin lui-même fonda ce monastère, qui fut, à ce qu’il faut croire, le germe de la ville. Tulle serait alors de plus ancienne origine, car saint Martin, évêque de Tours, vivait dans le IVe siècle. Une troisième version, moins ancienne, recule infiniment plus loin l’époque de la fondation de la capitale de la Corrèze. Si l’on s’en rapporte à Reyneau, de Nîmes, Tulle se serait peu à peu groupée autour d’un fort construit par les Romains, dont on a cru voir les vestiges auprès d’une maison remarquable et artistement fouillée (la Maison Sage), qui est, avec la cathédrale, le seul monument curieux de la ville. L’emplacement de ce fort et les pierres qui en subsistent ont reçu, dans l’idiome du pays, la dénomination de tour du Maysse, dont l’archéologie, toujours complaisante, a fait successivement tour de Mars, tour de Mai, tour du Mage, etc, etc. Cette supposition d’une origine romaine, si flatteuse qu’elle puisse être, ne nous semble guère acceptable, et le simple bon sens suffit, selon nous, pour décider que ceux-là qui eurent l’idée de s’établir les premiers dans une gorge pareille, cherchaient la solitude et le recueillement plutôt qu’une position militaire : les rives encaissées de la Corrèze devaient mieux plaire à des moines rêveurs qu’à des soldats vigilants.

Les habitants du bas Limousin qui, dans les temps anciens, vivaient isolés au milieu de leurs rochers, occupés uniquement, dit Strabon de la culture du blé noir et de la fonte des minerais, prirent parti, comme ailleurs, dans le moyen âge, les uns pour les châteaux et les autres pour les couvents. Tulle, cependant, grâce à l’influence de ses moines, eut à lutter bien moins que Brive et Ussel contre les barons avides et la féodalité oppressive. L’abbaye jouissait de la suzeraineté royale, et les habitants vivaient heureux sous cette domination paternelle ; leur repos n’était guère troublé que par les dissensions des abbés, et, dans les chroniques diffuses de ces époques, on ne rencontre guère que les récits de ces divisions, qui seraient peu curieux si l’on n’y retrouvait avec intérêt les noms des familles qui comptent encore parmi les plus considérables du pays. Bertrand de Cardaillac, Pierre de Chanac, Guillaume de Sedières, Guy de Sainte-Fortunade, H. de Seilhac, etc., se disputaient alors la prééminence ; leurs adhérents ou leurs adversaires se nommaient Brossard, Pastrie, Theyssier, Lagarde, etc. Ces petites révolutions se faisaient en famille, et le seigneur de Ventadour seul, dont la juridiction s’étendait jusqu’au ruisseau nommé le Rieoubel, qui coule au-dessous du séminaire, intervenait quelquefois un peu brusquement dans les démêlés du monastère. En 1317 seulement, par une bulle donnée à Avignon, le pape Jean XXII érigea la ville de Tulle en évêché. Arnaud de Saint-Astier, abbé du couvent de Saint-Martin, fut élevé à la dignité d’évêque, et Arnaud de Clermont, célèbre à l’Université de Paris par la hardiesse de ses opinions, lui succéda bientôt. Vers le même temps, un ecclésiastique de Tulle, nommé Bertrand Raffin, jouissait d’un grand crédit auprès de Grégoire XL II fut envoyé, en qualité de légat, à Naples, vers la reine Jeanne, qui refusait de reconnaître le pontife ; il réussit dans cette négociation difficile, et fut, en récompense, nommé évêque à Rhodez, où il n’alla jamais.

Dans le XIVe siècle, Tulle n’échappa pas aux désastres de la lutte de la France contre l’Angleterre. Prise par les Anglais, le 1er novembre 1346 ; reprise peu de jours après, par le comte d’Armagnac, elle souffrit toutes les horreurs de l’invasion. Une calamité plus grande encore que la guerre, la peste noire, éclata dans cette ville. Un poète limousin a fait, dans l’idiome du pays, une belle et énergique peinture de cette lugubre époque :

Dzusquos ei pé d’Estzalas
L’andz ’estorminatour olondavo sas alas...
......................................................
Un triste dra de mort pendouliavo ei cloustié, etc.

« L’ange exterminateur étendait ses ailes sur notre pays, un linceul pendait tristement au clocher, etc... » De ces malheurs il nous reste une légende et un ex-voto traditionnel, qui, le jour de Saint-Jean, donne à Tulle un caractère particulier. Un prêtre en disant la messe, s’il faut en croire la légende, entendit une voix annoncer que le fléau disparaîtrait le jour où les habitants, revêtus d’habits blancs et pieds nus, porteraient solennellement l’image de saint Jean autour de la ville. Cette procession fut faite et eut le même résultat que celle de Sainte-Rosalie de Palerme, qu’elle rappelle. La peste cessa. La reconnaissance des Limousins, comme celle des Siciliens, changea en une sorte d’idolâtrie le culte du saint protecteur. La veille de Saint-Jean, les habitants de Tulle font encore en grand nombre, avec pompe et souvent pieds nus, le tour de la Lunade. En 1369, les Anglais s’emparèrent encore une fois de Tulle ; les habitants, privés de tout secours, n’en essayèrent pas moins de secouer le joug et réussirent à chasser l’ennemi de leurs murailles. Charles V, pour les récompenser, leur accorda, par lettres-patentes, en date du mois de mai 1370, et dans lesquelles il les affranchissait de tous impôts, les mêmes privilèges qu’il avait octroyés, peu de temps auparavant, aux villes de Cahors, Figeac et Montauban. Le roi ennoblit, en outre, six familles dont les chefs avaient pris la plus grande part à cette action mémorable : c'étaient Durand de Lespicier, Jean et Guillaume de Bossac, Jean et Raymond de Saint-Salvadour, et Guillaume de Labeylie.

En 1451, Charles VII, à son retour d'un voyage dans le Quercy, vint à Tulle et y séjourna pendant les fêtes de Pâques. Près de cent ans plus tard, sous François Ier, la ville, jusqu’alors soumise à la juridiction de l’abbé de Saint-Martin, s’en lassa, et, moyennant quatre mille livres, obtint du roi, qui avait besoin d’argent, l’érection d’un nouveau tribunal, dont Calmin de la Garde fut le premier magistrat. Brives en conçut une excessive jalousie, et dès lors commença entre ces deux villes cette animosité qui dure encore. Pour premier témoignage de sa colère, Brives, vingt ans plus tard, parvint à faire supprimer par Henri II le tribunal fondé à Tulle par François Ier, et ce succès causa aux Brivistes une telle joie, qu’une procession solennelle fut faite, en manière d’actions de grâces, dans laquelle Egidius de Noailles portait le Saint-Sacrement.

Quand éclatèrent, au XVIe siècle, les dissensions religieuses, Tulle se prononça avec ardeur contre le schisme, et les réformés trouvèrent dans l’évêque Louis de Genouillac un adversaire acharné. En 1577, le vicomte de Turenne vint assiéger la ville et fut d’abord vigoureusement repoussé. Henri III félicita les habitants de leur belle conduite, dans une lettre adressée au chevalier de Lauthonye, dont le courage avait été particulièrement remarquable. Mais bientôt le vicomte de Turenne revint à la charge avec une armée de neuf à dix mille hommes. Il s’empara successivement des faubourgs de la Barrière et de la Barussie. On se défendit avec acharnement, et il se fit, à la porte Chanac, un tel carnage, que quatre-vingts hommes eurent à peine le temps d’ensevelir tous les cadavres en un jour. Baluze a fait de ce siège, qui est la seule page dramatique de l’histoire de Tulle, une narration pompeuse et fort longue. On croirait assister au siège de Troie ou aux batailles d’Alexandre. Mais il est bien permis d’observer que, dans ses Mémoires, le vicomte de Turenne raconte, avec une singulière brièveté, ces mêmes événements : « Je m’en vins en Limousin prendre Tulle, dit-il simplement, n’ayant point de canons et voulant loger dedans. » Il n’ajoute pas un mot. Le fait est que Tulle fut prise (1585). Moyennant rançon, la cité   qui, dit Mézeray, « était alors bien accommodée par la chalandise de son commerce », se garantit du pillage qui avait suivi l’occupation des faubourgs.

Les habitants prirent la fuite en grand nombre ; beaucoup d’entre eux se réfugièrent au château de Gimel. Un seul magistrat osa rester dans la ville pour protéger ses concitoyens contre l’exaction du vainqueur ; il avait quatre-vingts ans : c’était l’échevin Baluze. Il fut maltraité : un officier, nommé La Morie, auquel le vicomte de Turenne avait confié le commandement de la ville, le fit prisonnier. Le vieil échevin dut payer une rançon considérable, et ses concitoyens, pour lesquels il s’était sacrifié, laissèrent vendre tous ses biens sans venir à son secours. Telle fut la cause de la ruine de cette famille qui devait plus tard illustrer le pays. Les réformés s’emparèrent, bientôt après, du château de Gimel ; les catholiques le reprirent l’année suivante, ainsi que la petite ville de Corrèze, dont ils fondirent les cloches pour faire des canons.

En 1605, Henri IV vint dans le pays et coucha au château de Sedières, un des plus jolis manoirs du Limousin, bâti par Laurent d’Albiars, célèbre à la cour d’Innocent VI ; il y fut reçu par Jean Bothier, vicomte de Sedières, lequel avait épousé Marthe de Noailles. Ce fut, dit-on, pour plaire au roi que l’on planta les beaux tilleuls sous lesquels s’abritent encore les foires de Sedières. Deux ans après, la justice du roi éclata dans le pays à l'occasion des démêlés de Pierre de Fenis de Laprade, lieutenant général de Tulle, avec le comte de Saint-Chamant, qui expia rudement ses licences féodales. Il fut rompu en effigie ; on rasa la grande tour de son château, et, plus tard, il dut donner une de ses filles au descendant de celui qu’il avait fait honteusement flageller. Dans le siècle suivant, nous ne trouvons pas un fait digne d’être relevé, et nous arrivons d’un seul trait aux époques contemporaines. En 1761, Turgot, nommé intendant de Limoges, comme il a été dit ailleurs, fit ouvrir, dans la province, trois voies de communication, et importa dans le pays la pomme de terre, qui est maintenant une si grande ressource pour le Limousin. La révolution, souvent prédite par sa voix austère, débuta à Tulle par une tragédie sanglante. Un jeune officier de cavalerie, M. de Massé, fut assassiné, et la populace en fureur s’acharna sur son cadavre. Ce meurtre déplorable semblait annoncer des excès terribles ; mais il y eut plus de clameurs que d’exécutions. Le représentant de l’une des familles les plus respectées du pays, M. d’Arche, et deux pauvres prêtres furent, en définitive, les seules victimes de la tourmente révolutionnaire.

Tulle était, sous l’ancien régime, le siège d’un évêché suffragant de Bourges, d’une sénéchaussée, d’un présidial, d’une juridiction consulaire, et le chef-lieu d’une élection : c’était aussi un gouvernement de place, et la ville avait titre de vicomté ; elle portait pour armoiries de gueules à trois rocs, deux et un, au chef d'azur chargé de trois fleurs de lys d’or, avec cette devise : Sunt Rupes virtutis iter ' (d’autres lui donnent cette devise plus fière et plus ambitieuse : In fide et fidelitate semper). Tulle n’était point autrefois, comme aujourd’hui, liée étroitement à ses faubourgs. La Barrière, la Barussie, et lou bari d'Auberdze, formaient des quartiers séparés, peu défendus, et dont les habitants, au premier cri d’alarme, se réfugiaient dans l’enceinte fortifiée de la cité proprement dite.

Cette cité, resserrée, du côté du sud, dans l’espace fermé par le cours de la Solane et de la Corrèze, était défendue, au nord, par une porte double nommée las portas de Fer, sur l’arceau de laquelle s’élevait un bastion carré que l’on voit encore. Là s’appuyait un mur d’enceinte qui rejoignait la grande tour carrée de la prison, maintenant détruite, et qui servait autrefois d’arsenal. Une autre muraille rejoignait la porte Chanac. Du côté de la Solane, la porte Mazeaux, la mieux fortifiée de la ville, s’ouvrait sur le petit pont de las Mitzas, ainsi nommé parce que les femmes de Laguenne y venaient vendre le pain de froment. Depuis la porte Mazeaux jusqu’au confluent de la Corrèze, la Solane était bordée par les bâtiments de l’ancien monastère. La longueur de ces constructions a fait douter de cette destination ; mais un acte du 15 mai 1577, par lequel le chapitre cède ce bâtiment à la ville, pour y tenir les assemblées municipales, rend cette assertion incontestable. La demeure du théologal se trouvait à peu près à la hauteur du cercle actuel ; la chantrerie et la prévôté étaient à l'autre extrémité, près la porte Mazeaux. Trois ponts traversaient la Solane dans cet espace, et, sur la place de l'Aubarède (de la Comédie), s'élevaient douze boutiques de bouchers qui furent renversées par un ouragan, en 1758, et transportées plus tard sous la halle du Canton. Une nouvelle porte, doublée de fer et flanquée de palissades, défendait l'entrée du pont nommé maintenant Choisinet. Telle était l'enceinte de la ville, qui arrêta, comme nous l'avons dit, l'armée du vicomte de Turenne.

La cathédrale dont la nef seule subsiste maintenant et qui n'a de remarquable que la simplicité massive de son architecture byzantine, formait une basilique régulière et complète. A droite, en entrant, se trouvait la chapelle de saint Crépin, où les condamnés étaient amenés pour faire amende honorable ; à gauche la chapelle de sainte Anne, sainte fort en renom à Tulle et de laquelle les bonnes femmes imploraient la fécondité en coiffant sa statue. Un dôme, qui s'écroula en 1790 et entraîna dans sa chute toute la partie orientale du bâtiment^ séparait le chœur du sanctuaire. À l'entrée de l'église était le tombeau des vicomtes de Turenne, exhumés, en 1698, sur la demande du cardinal de Bouillon. Une quantité d'échoppes s'élevaient sur la petite place d'Arche, que le voisinage de l'aumônerie du couvent avait fait surnommer Plaça de las oulas (des marmites). Le cimetière occupait une partie de la place Saint-Julien, au haut de laquelle se trouvent encore, comme dans le passé, une ruelle tortueuse, un guichet et des cloaques qui rappellent les carrefours immondes des villes du moyen âge. Vers 1702, monseigneur Ancelin, évêque de Tulle, où il avait succédé au célèbre Mascaron, fit, dit-on, exhumer sans autorisation les cadavres de ce cimetière ; et l'on ajoute qu'ils furent jetés dans la rivière, ce qui souleva une telle indignation dans la ville que l'évêque, contraint de fuir, resta désormais sans évêché. Au bas de la place, vers la promenade actuelle, s'élevait l'église paroissiale de Saint-Julien, maintenant démolie, et plus bas, du côté du pont de l'Escurol, l'évêché avec ses dépendances. La destruction de ces deux monuments a donné, de ce côté, un peu d'espace aux promeneurs, et l’on en sent si bien tout le prix, que le gouvernement, ayant récemment accordé à la ville, si elle voulait reconstruire sa cathédrale, une somme de six cent mille francs, le conseil municipal, au grand mécontentement de la classe ouvrière, fort nombreuse à Tulle et très pauvre, a cru devoir refuser cette subvention considérable, dans la crainte, a-t-il prétexté, d'amoindrir la plus belle place de la ville.

L'hôpital s'élevait autrefois sur l'emplacement actuel de l'église des Pénitents- Blancs et des maisons voisines ; le pré de ce nom, converti maintenant en place d'armes, en dépendait. En 1673 seulement, l'hôpital fut transféré dans la maison Verdier, où il remplaça un couvent de Bénédictines, qui durent quitter la ville à la suite des dissensions religieuses malheureusement éternelles à Tulle. Cet établissement, détruit en 1775 par l' incendie, fut rétabli par des aumônes, et transporté, en 1793, dans les bâtiments de la Visitation. Le pré de l'Hôpital était la seule promenade de la ville. On y trouvait un vaste jeu de paume, qui devint plus tard l'écurie de l'auberge du Chapeau rouge, autrefois très achalandée. Ce fut sur cette promenade que le père Bridaine fit entendre sa voix tonnante ; la croix de fer qu'on y voit encore fut élevée en souvenir de sa mission. Un peu plus bas, une belle fontaine, donnée à la ville par son évêque monseigneur de Saint-Aulaire, coulait dans un grand bassin de pierre. Le couvent de Sainte-Ursule fut fondé, en 1630, par Marie de Cosnac, et donné par elle à une communauté de religieuses, qui se rendit fort utile en créant une école d’enseignement gratuit pour les pauvres de la ville. A la fin du XVIe siècle, Tulle n avait pas encore de collège, mais une sorte d’école seulement, établie dans la Barrière, où professait un principal aidé de deux régents. En 1666, Jean Ayrac ; archiprêtre de Vigeois et curé du Lonzac, fit donation aux Jésuites d’une somme de vingt-quatre mille livres, à l’aide de laquelle ils construisirent le collège et l’église attenante. Pendant cent cinquante ans, le collège fut régi par les Jésuites avec un succès qui n’a pas été égalé depuis cette époque, si ce n’est par les Théatins, leurs successeurs, parmi lesquels on compta, à Tulle, M. Lebreton, secrétaire perpétuel de l’Académie française, et M. Lanoë, fondateur de Sainte-Barbe. Le nombre des élèves s’élevait alors à huit cents, dont cent cinquante pensionnaires. La fondation du séminaire remonte à la fin du XVIIe siècle. Un habitant de la ville, François Lagarde de Raliou, propriétaire fort riche, légua à sa mort toute sa fortune au séminaire de Limoges, à condition qu’il établirait à Tulle une succursale. Le séminaire fut construit, et son premier directeur, M. Gaye, acquit la villa qui en dépend encore, le Marquisat.

Si nous mentionnons maintenant la caserne d’infanterie due aux persévérants efforts de M. le comte de Valon, longtemps maire et député de Tulle, et la manufacture d’armes à feu, nous n’aurons oublié, ce nous semble, aucun des établissements principaux de la ville. Un moulin de Souillac, où les frères Pauphile établirent une usine et firent fabriquer des armes de chasse que l’on expédiait aux colonies, fut l’origine de la manufacture qui prit de l’extension peu à peu, et passa plus tard entre les mains du gouvernement. La manufacture royale, que l’excellente qualité des fers du pays recommande au ministre de la guerre, a fourni jusqu’à trente mille fusils par année, et employé plus de quinze cents ouvriers. De nouvelles combinaisons ont porté un coup funeste à cet heureux état de choses. Aujourd’hui cinq cents ouvriers à peine y trouvent du travail, pendant une partie de l’année, et beaucoup de maîtres canonniers, de maîtres monteurs, sont forcés, pour gagner misérablement leur vie, de s’enrôler en qualité de manœuvres dans les ateliers des routes départementales. Ce serait justice cependant que le gouvernement se souvînt de l’excellence des armes de Tulle, et étendît sa sollicitude sur la classe ouvrière d’une ville pauvre et presque dénuée d’industrie. En effet, on n’y trouve que quelques fabriques de chandelles et d’huile de noix. Quant au commerce, il s’exerce principalement sur les vins, les bestiaux, les laines et les cuirs. La population du département de la Corrèze est de 306,500 habitants ; le chef-lieu en compte, d’après le dernier recensement, 10,500, et l’arrondissement 130,853.

Le plus célèbre des enfants de Tulle est, sans contredit, l’historien Baluze, qui fut un des hommes les plus remarquables du XVIIe siècle. On voit encore sur la promenade une maison pauvre et tombant en ruines, que le badigeon a jusqu’à présent respectée : c’est là qu’Étienne Baluze naquit, comme il le dit lui-même, le 24 décembre 1630, d’une famille ancienne et distinguée. Son père, Charles Baluze était un jurisconsulte célèbre dans le pays ; sa mère, Catherine Teyssier, une femme d'une vertu exemplaire. Après avoir fait au collège de Tulle ses premières études, Étienne Baluze partit pour Toulouse, où il les termina. Il y publia, en 1652, son premier ouvrage, Anti-Frisonius, réfutation d'un traité de Pierre Frison, intitulé Gallia purpurata, fort oublié maintenant. A Paris, les hommes les plus distingués de l'époque apprécièrent, plus tard, le rare savoir du jeune historien. Il y écrivit l'Histoire de la maison d'Auvergne, qui lui valut l'amitié du cardinal de Bouillon et l'inimitié du roi, par lequel il fut éxilé à Rouen d'abord, puis à Blois, à Tours, et enfin à Orléans. Après quelques années de découragement, Baluze reprit la plume et publia un grand nombre d'ouvrages, dont les plus remarqués furent : une édition nouvelle des Œuvres de saint Cyprien, l'Histoire des papes d'Avignon, les Capitulaires et l'Histoire de Tulle, etc., etc. Il mourut à Paris, le 28 juillet 1718, âgé de quatre-vingt-huit ans. Tulle a vu naître aussi l'économiste littérateur Jean-François Melon et Nicolas Béronie, professeur au collège de Tulle, qui a composé un dictionnaire du patois limousin.

 

 

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