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Les villes à travers les documents anciens

Page de garde de La Bretagne de JJ Potel - gravure reproduite et restaurée numériquement par © Norbert Pousseur

La Garaye, près de Taden, dans les Côtes du Nord vers 1840

 

Ruines de la Garaye - gravure reproduite et restaurée numériquement par © Norbert Pousseur
Le château de la Garaye vers 1840, gravure de Jérôme Jean Potel

 

Texte et gravure
extraits de l'ouvrage "La Bretagne de Jérôme Jean Potel - édition 1844

En 1683, les terres de la Garaye, de Taden et de Beaufort furent réunies et érigées en Comté. Ici fut une splendide demeure! et de tout cela que reste-t-il aujourd’hui ? une ruine, une étude pour l’artiste, une méditation pour le poète, un enseignement sévère pour le philosophe, et, par-dessus tout, un nom qui se perpétuera dans les souvenirs, puisque c’est par la dénomination des familles qu’on est convenu de désigner les portions de terres.
Du reste, le temps a emporté tout le prestige de cette grandeur, et le voyageur n’arrive plus qu’à travers les hautes herbes, les chardons et les branches luxuriantes de quelques jeunes arbres, devant les brèches et la corniche de cette façade à présent sans toiture, devant un fronton circulaire enrichi de ses festons de sculpture, devant l’entablement dorique à moitié recouvert par quelques rameaux sortis des fissures de la muraille, devant cette haute cheminée triste et nue à l’aspect, comme la mâture d’un vaisseau en détresse. Voilà l’image que nous en avons sous les yeux. Maintenant, remuons la terre des morts, afin d’en évoquer l’historique des anciens maîtres de ce vaste domaine, et de dire la vie de Claude-Toussaint Marot, comte de la Garaye, né à Rennes, le 27 octobre 1675.

Son père mourut en 1692; et le jeune homme, au sortir de son cours d’académie, entra dans les mousquetaires. Sans frein, sans conseil, il se laissa aller à la turbulence de ses passions. En seigneur de son temps, il usa largement de ses droits, de ses titres, de sa fortune ; mais, au milieu de ses dérèglements, il fut souvent ramené à une prescription de sagesse par une indisposition, qui lui faisait prendre en dégoût ces saturnales où ses nobles compagnons se portèrent souvent entre eux à l’insulte, à la violence, et souvent, par bonheur, i1 résulta de cette saine disposition de son esprit, qu’il pût pacifier leurs querelles, et fit preuve, en mainte circonstance, de ce bon cœur qui est le dédommagement des caractères les plus légers. Bientôt il s’ennuya de son désœuvrement, et, en 1701, il prit la charge de conseiller au Parlement; plus tard, il se démit de ce titre.
Il épousa Marie-Marguerite de la Motte Picquet. Le château fut longtemps le théâtre des plaisirs les plus bruyants. On comptait dans ses écuries 20 à 30 chevaux de selle. On parlait de sa meute, comme étant une des plus belles meutes de France. La chasse occupait habituellement ses journées; Marie le suivait à la poursuite du cerf, et l’intrépidité de cette femme à franchir les lieux les plus périlleux allait jusqu’à la témérité. Une chute de cheval la priva du bonheur d’être mère. Les heures du soir variaient pour eux les enchantements de la vie. La comédie leur offrait ses délassements, ses exercices, son prestige. Le bal déployait chez eux toutes ses somptuosités, et le nombre des assistants ajoutait encore à l’éclat de ces réunions fréquentes.

Soudain, une réaction étrange s’opéra dans les idées du comte. Ses voluptés mondaines s’évanouirent comme une chimère devant la douleur des événements. La maladie grave d’une sœur, la mort d’un beau-frère le comte Dubreuil de Pontbriand, qui passa entre ses bras, contribuèrent à cette conversion à laquelle on ne s’attendait guère. Il se rendit à Paris, y étudia avec l’exaltation de l’enthousiasme la médecine, la chirurgie, la chimie. A son retour, il transforma sa maison en hospice, disposa deux salles dans le grand bâtiment d’avant-cour du château, fit construire une chapelle où les malades pouvaient aller demander à Dieu le soulagement ou la délivrance prochaine de leurs maux. Cinq chirurgiens y furent appelés, et jusqu’à 28 élèves furent attachés à leur suite. Le chenil leur servit de laboratoire.
Les indigents n’y trouvaient pas seulement l’hospitalité, les soulagements; mais encore le comte de la Garaye les employait au travail, leur procurait les outils nécessaires et leur donnait son argent.
Autant sa jeunesse avait été peu laborieuse, autant il sentit dans l’âge mûr le besoin d’être utile autrement que par des œuvres charitables. Il appliqua ses études sérieuses à la science de la chimie, y fit plusieurs découvertes, et on lui doit la publication d’un livre : La Chimie hydraulique.

Il fit valoir ses terrains incultes, eu sorte que sur ce sol où croissaient le chardon, les bruyères, l’herbe fauve et la parasite, s’élevèrent de belles et riches moissons. A Saint-Suliac, il fit construire une digue de près d’un kilomètre et des salines. Le Roi, ayant eu connaissance de sa philanthropie, le dota de 50,000 livres tournois et d’un contrat de 25,000 livres tournois sur les postes. Ce fut lui qui établit à Rennes l'école des Gentilshommes ; et à Taden, les Filles des écoles charitables. Il fit des fondations pour les paroisses de Corseul et de Quéver. à Dinan, il institua l’hôpital des Incurables.
Pendant plus de quarante ans, avec cette épouse, dans le cœur de laquelle il avait heureusement trouvé le même amour du bien, il partagea ses revenus aux malheureux, et il s’endormit dans le Seigneur en 1755, à près de 81 ans. Sa femme ne lui survécut que deux ans, et mourut dans sa 76e année.

Ils avaient tous deux manifesté le désir d’être enterrés au milieu de cette foule de malheureux auxquels ils avaient donné avec les consolations morales, les soins du corps et les secours de la religion, un refuge et le lit de mort ! C’est une pieuse leçon d’humilité qu’ils ont voulu léguer à leurs semblables. Une simple pierre recouvre leurs corps dans le cimetière de la paroisse de Taden, où est leur château, à moins de deux kilomètres nord-ouest de Dinan.

Pour voir les détails de la façade en ruine du chateau de la Garaye,
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