| Article extrait duDictionnaire historique, littéraire et artistique des départements du Mont-Blanc et du Léman,
 par Jean-Louis Grillet, 1807 (collection personnelle).
 AIX, Aquœ Gratianœ, petite ville de  l'arrondissement de Chambéry, département du Mont-Blanc, renferme une  population de 1596 personnes. Elle est située dans un pays fertile  en blé, vin, soie et fruits, sur la route de Genève à Chambéry, dont elle est distante.de deux lieues. Un climat tempéré, des promenades  délicieuses, des appartements commodes, le voisinage du lac du Bourget qui  abonde en poissons exquis, le caractère des habitants qui sont honnêtes et  hospitaliers, y attirent dans la belle saison, un concours étonnant d’étrangers  qui s’y rendent de toutes parts, pour rétablir leur santé par l’usage des bains  d’eaux thermales, qui sont situés dans la partie supérieure de cette ville.   Elle doit sans doute, son origine à ces bains,  et elle fut en conséquence appelée Aquœ, Aquœ Allobrogum, Aquœ Domitianœ,  Aquœ Gratianœ ; et une inscription trouvée dans le temps que Pingon faisait  des recherches, en 1566, pour découvrir les antiquités de sa patrie, prouve que  les habitants s’appelaient Aquenses. Des médailles trouvées, à différentes  époques, ayant une effigie romaine avec le nom de Gratien, et  plusieurs briques sur lesquelles quelques-uns ont lu Gratianus, d’autres Clarianus  et Clavianus, sont le fondement sur lequel s’appuient les conjectures de  ceux qui ont prétendu que les bains d’Aix avaient été construits, ou du moins  réparés par l’empereur Gratien qui, pendant son séjour dans le pays des Allobroges,  fit rebâtir Grenoble.
 Des monuments et des restes assez remarquables  d’architecture romaine, trouvés à Aix même, au Vivier, à Voglans et à S. Innocent, décrits ou rapportés par Pingon et Guichenon, par l’Auteur du Théâtre  de Savoie, et récemment par M. Albanis-Beaumont, ne permettent point de douter  qu’Aix et ses environs n’aient été habités par plusieurs romains distingués.  L’arc de Campanus,  le temple de Diane ou de Vénus  que l’on observe encore dans le château  des anciens marquis d’Aix, en fourniraient au besoin une preuve sans réplique,  si le vaporarium des anciens bains, nouvellement découvert sous la  maison de M. Perrier, n’en était une démonstration complète, et si l’on  y pouvait méconnaître le type de la grandeur romaine.Un incendie qui, au dire de Cabias,  réduisit la ville d’Aix en cendres, l’an 230, et deux autres arrivés dans le 13e siècle et en avril 1739,  ont dérobé beaucoup de titres, et de monuments relatifs à son histoire : l’on  sait seulement que les comtes de Genevois et de Savoie s’en disputèrent la  possession ; qu’ils y signèrent entre eux des traités et des alliances ;  que le Sénat de Savoie et la chambre des comptes y siégèrent l’an  1564, pendant que la peste exerçait ses ravages à Chambéry. Aix était, comme  seigneurie féodale, la première baronnie de Savoie, et ses barons de  l’ancienne Maison de Seyssel d’Aix, présidèrent toujours, en cette qualité, la  noblesse du duché, aux Etats de la province. Cette terre, érigée en marquisat,  l’an 1575, est aujourd’hui le siège  d’une justice de paix, d’où dépendent 13 communes. Cette ville, entourée  autrefois par une forte muraille flanquée de grosses tours, avait trois portes,  qui prenaient leur dénomination des routes où elles conduisaient, savoir :  au midi, la porte de Chambéry ; au nord-ouest, la porte de Chautagne ;  et au nord-est, la porte de Rumilly.
 
 DES  EAUX THERMALES d’AIX.Dans la partie supérieure de la ville, on trouve  deux sources d’eau chaude qui sortent d’une masse de rochers qui  terminent la colline orientale, contre laquelle la ville est adossée ;  elles sont éloignées l’une de l’autre de 60 à 80 pas. Leur température a été  observée varier de 33 à 37 et 38 degrés au thermomètre ordinaire. Si le récit  du médecin Cabias mérite croyance, ce fut un proconsul de Jules-César, nommé Domitius,  qui, le premier, y fit construire des bains et s’en déclara le maître  et le protecteur. L’empereur Gratien, suivant l’opinion commune, y  fit des réparations considérables : André Batiu Elpidanus, dans son  4e livre de Thermis, attribuait la restauration du grand  bassin, Natatio de l’eau de S. Paul, à Charlemagne : mais Fonntoni.  pense avec plus de raison, qu’il prit le nom de bassin royal, depuis qu’Henry  IV roi de France, s’y baigna avec sa Cour, pendant qu’il occupait la Savoie, en  1600.
 L’an 1772, le bain de l’eau de souffre n’était qu’un antre taillé  dans le roc, divisé par un petit mur qui séparait la douche des hommes, de  celle destinée aux femmes : au-devant de cet antre incommode, existait un  bassin entouré d’une, balustrade de fer, dans lequel se baignaient les pauvres  du pays. Le roi Victor-Amé III, pour rendre plus utile et plus commode ce beau  présent de la nature, y fit élever l’édifice que l’on voit aujourd’hui ; il  fut construit et distribué sur les dessins du comte de Robillant, et exécuté sous  la direction de M. l’ingénieur Capellini. Il présente un péristyle dont  l’entrée est décorée par quatre demi colonnes ioniques avec un fronton, où étaient  placés, dans le tympan, des ornements analogues à l’ancien gouvernement ;  on lisait l'inscription, suivante sur la porte principale :
 
                    Victor-Amedeus III, Rex,Pius. Fœlix. Augustus. P. P.
 Hasce thermales Aquas,
 A Romanis olim è montibus dirivatas,
 Ampliatis operibus,
 In  novam, melioremque formam, redigi jussit.
 Aptis  ad ægrorum usum ædifîciis,
 Publicæ  salutis gratiâ estructis.
 Anno M.DCC.LXXXIL
           Dans les deux ailes de l’édifice,  se présentent, à droite et à gauche, deux salles, très vastes, et des bains au  nombre de quinze places de long d’un corridor semi-circulaire, parallèle au  grand bassin qui est au centre du bâtiment et dans lequel se dégorgent les  eaux qui ont servi aux douches. La source d’eau thermale renfermée par un massif,  dans un réservoir adossé au rocher, se distribue par des canaux, dont quatre  alimentent les douches des hommes ; quatre celles destinées aux femmes ;  deux celles des malades indigents, et. un autre conduit l’eau à des bains particuliers.Chaque bain est un cabinet de 10 pieds de  largeur, sur 12 de profondeur, avec une hauteur du double de la largeur,  recouverte d'une voûte en maçonnerie.
 Deux autres cabinets ayant la même  forme et les mêmes dimensions sont destinés aux bouillons, qui sont des bassins  où l’eau sort du fond avec abondance et impétuosité on descend dans les bains  par plusieurs marches, et un robinet distribue l’eau à volonté. Dans la partie  méridionale de l’édifice est le grand bain avec ses cabinets de repos, destiné  d’abord pour la Cour de Sardaigne, et qui est aujourd’hui exclusivement réservé  pour le service de l’hospice militaire.
 La source de S. Paul, dite improprement d’Alun, coule  au-dessous d’un arc antique, par deux issues d’où elle tombe, de la hauteur de  deux pieds, dans un bassin de 10 à 12 pieds de dimension ; après avoir  traversé la place dans un canal souterrain, elle se dégorge dans le  bassin royal d’Henri IV.
 L’efficacité des eaux thermales d’Aix, leur réputation  établie par des cures surprenantes et continuelles, ont excité le zèle et  l’attention des médecins, qui, depuis un siècle et demi, se sont empressés d’en  faire connaitre les principes et la manière d’en user. Les ouvrages qu’il faut  consulter, à ce sujet, et ceux qui ont traité des objets qui rendent  intéressante l’histoire naturelle des environs d’Aix, sont :
 
          Les Vertus merveilleuses des bains d’Aix en Savoie,  par J. B. de Cabias, Lyon 1623, ouvrage réimprimé dans la même ville,  en 1688.Della bontà dei bagni d’ Aix  in Savoja, del medico Boyer di Nizza, 1650.Andréas  Baccius-Elpidanus, lib. y de Thermis.Lettres du  docteur Garcin de la Société de médecine de Londres, sur l’usage des eaux d'Aix  en Savoie, pour guérir les rhumatismes, publiées environ l'an 1720.De Aquis Gratianis  Libellas ; idem de Aquis Maurianensibus, que l'on trouve dans l’ouvrage  intitulé : Joannis Fantoni, medici regii et in Academiâ Taurinénsi professoris  emeriti, opuscula medica et phisiologica, vol. in-4°, Genevœ 1748.Analyse des eaux d’Aix  par M. Daquin, vol, in-8°, Chambéry chez M. F, Gorrin, 1773.Mémoire sur les eaux minérales  de Savoie, par M. le docteur Bonvoisin, dans le recueil de ceux de l’Académie  des sciences de Turin, vol. II - page 419. Lettres sur les  eaux d'Aix, par M. Pictet, professeur de Genève, insérées dans le journal de la  même ville, aux 10 et 31 octobre 1780. Horace-Benedict  de Saussure parle des eaux d'Aix, dans les derniers volumes de ses voyages dans  les Alpes.  Mémoire sur l’usage et les  vertus des eaux d’Aix, par M. Despines, père, docteur, médecin, inséré dans le N°  IV du journal de Lyon.Essai sur  la topographie médicale d'Aix en Savoie, etc., par M. Despines, fils, Vol. in~4°  de 118 pag., Montpellier 1802. Tout le chapitre IX  de la description des Alpes grecques et cottiennes, par M.  Albanis-Beaumont, Paris 2 vol. in-4.°, 1802. Analyse des eaux thermales d'Aix en Savoie, par M.r  J.- M. Socquet, docteur médecin de la faculté de Turin, vol. in-8.° Chambéry  chez M.r Cleaz, 1803. Annuaire  statistique du département du Mont-Blanc, par M.r J. Palluel,  secrétaire général de la préfecture, Chambéry, an XIII, page 58 de la Description  topographique de M. Verneilh, et page 222 des Notices historiques.   
 Article et gravure ci-dessous extraite de l'ouvrage 'La Suisse pittoresque' d'Alexandre Martin - Edité par                Hippolyte Souverain, imprimerie de Baudoin, Paris, (sans date sur cet exemplaire incomplet,  sans doute de 1835), ainsi que l'article ci-dessous.          (Collection personnelle) 
 Bien qu'à l'époque, le territoire de la Savoie ait fait partiie 
      du Duché de Sardaigne, il est ici décrit comme faisant partie des cantons suisses. La Savoie est devenue française en 1860.
 AIX. — La ville d’Aix est située dans la vallée qui s’étend de Chambéry à Genève, et  qui, interrompue par le mont Sion à Frangy, se prolonge d’une part à Grenoble  par le Grésivaudan, et de l’autre sur le lac Léman et dans le pays de Vaud. Là  partant de Genève, un jour suffit pour aller à Aix. Il est peu de ville aussi  favorisée par la nature : la fécondité du sol, la salubrité de l’air, les  plaisirs qu’offrent une société choisie et une admirable campagne, l’abondance  et la qualité des eaux thermales font de ce pays un séjour délicieux.
 Le  nombre des voyageurs qui affluent à Aix pendant l’été s’élève ordinairement à  1,500, et pendant l’année entière à 2000 environ. Bien que l’efficacité des  eaux thermales soit beaucoup affaiblie dans les temps froids et pluvieux, elles  ne sont pas sans action ; et, lorsque la maladie l’exige on peut faire  usage de ces eaux, même pendant l’hiver, en prenant des précautions contre le  froid.
 On a établi dans un vaste local un cercle où les baigneurs  peuvent se rendre à toute heure du jour. Ces assemblées sont fort agréables ;  on y fait de la musique, ou y joue au billard, aux cartes, aux échecs ; on  y trouve aussi une bibliothèque, des journaux, etc. ; chaque soir on y  danse, et une jolie petite salle de spectacle permet d’y jouer la comédie et  l’opéra trois fois par semaine,
 Les environs  d’Aix présentent une foule de promenades charmantes, et les étrangers que la  maladie n’empêche pas de marcher occupent leurs loisirs à parcourir la  contrée. On trouve aisément des voitures légères qui servent à franchir les distances ;  on peut aussi louer des chevaux ou des ânes pour faire ces excursions  salutaires. L’admirable campagne qui entoure la ville est un sujet inépuisable  de contemplations ; et, de quelque côté qu’on dirige ses pas, surtout si  l’on ne craint point de gravir les rochers et les montagnes, on peut, en  abandonnant sa marche presqu’au hasard, trouver entre deux haies vives, à  l’ombre des noyers et des châtaigniers, un exercice agréable et des vues très  pittoresques.
   TOPOGRAPHIELa vallée d’Aix est formée de plusieurs chaînes secondaires  alpines, qui l’enferment de trois côtés. Ces chaînes s’abaissent successivement  jusque dans la vallée méridionale, et laissent voir dans le lointain trois  grands pics, qu’on nomme dans le pays les pics de Granier, de Montagnole  et de Saint-Thibaut-de-Couz. Tout à fait au dernier plan, quelques  montagnes, couvertes de neiges et qu’on aperçoit distinctement de toute la  contrée, font partie de la grande chaîne alpestre. A l’est et à l’ouest, deux  montagnes courent parallèlement et bordent la vallée : l’une reçoit  indifféremment dans le pays le nom de Montagne de la Grotte, d’Aiguebelle,  de l’Epine, et du Mont du Chat. C’est celle qu’on a en face de  soi aux bains d’Aix. Le Mont du Chat rappelle un des plus grands  souvenirs de l’Histoire. C’est par là, s’il faut en croire Deluc, que passa  Annibal, à la tête d’une nombreuse armée, pour entrer en Italie. La montagne  qui s’étend au levant a reçu les noms de Nivolet, de Clarafond,  de Mouxy, du Grand Revard. Au nord est la montagne de Saint-Innocent,  prolongement du Jura, et qui a deux issues, l’une qui conduit au lac, l’autre qui  ouvre la vallée d’Albin et de Rumilly. Tel est à peu près le  bassin où est assise la jolie ville d’Aix.
 CLIMAT
 Ainsi placée, la vallée a des courants d’air d’une grande fraîcheur, qui épurent  l’atmosphère et procurent aux habitants celte fraîcheur de carnation que  remarquent les voyageurs. Le climat d’Aix et de Chambéry a été de tout temps  réputé comme salubre. L’histoire s’accorde ici avec les observations  statistiques et médicales. Lorsque la peste vint, à diverses reprises, affliger  l’Europe, Aix échappa à ce fléau. On n’y observe point, comme dans la plupart  des cantons de la Suisse, ces grandes variations atmosphériques si funestes à  la santé, si communes en Suisse et auxquelles sont sujettes les contrées montueuses.
 La végétation dans le beau bassin  d’Aix est aussi active que vigoureuse : dès le mois d’avril les arbres se  couvrent de fleurs ; ils sont vivants et élancés. On y trouve le noyer, le  mûrier, le cerisier et le poirier ; toutes les variétés d’arbres à  fruits, l’érable, le peuplier d’Italie, le saule y croissent abondamment. De  tous les arbres, celui que l’œil rencontre le plus souvent, c’est le noyer, qui  a quelquefois jusqu’à 12 pieds de circonférence.
 Les coteaux sont couverts de vignes, dont les pampres, à la  manière d’Italie, s’élancent le long de hautains, forment des berceaux,  se mêlent au feuillage de l’érable, et rappellent les riches contrées de la  Lombardie et du midi de la France.
 HISTOIRE. — ANTIQUITéS
 Les inscriptions qu’on a découvertes à Aix  donnent le nom d’Aquenses à ses habitants. « Au village de la Fin,  près d’Aix, était, dit Guichenon, la maison d’Allonius Anivus, citoyen romain  et sénateur de Vienne ; on y voyait son tombeau, celui de son frère Auchanius  et celui d’Attinia, sa femme. Le tombeau du sénateur Allonius était composé de  deux pierres, dont l’une est au cimetière ; l’autre forme un pilier. »
 On  ne saurait douter que les Romains n’aient connu Aix et sa vallée : les  noms Vaquas domitianœ, aquae graciant, ne laissent aucun doute sur leur  séjour dans cette contrée. Lorsque l’empire d’occident s’écroula, les barbares  ravagèrent la ville d’Aix, détruisirent ses monuments, ses édifices et ses  thermes, qui, dès ces temps, attiraient les étrangers. Quelques-unes des  ruines échappées à la destruction servirent depuis, ainsi qu’on peut le voir  aujourd’hui, à la construction de nouveaux édifices.
 Aix, selon toutes les  apparences, était une ville importante, remarquable par ses temples, ses  statues, ses autels ; malheureusement un faux zèle de religion poussa les  premiers chrétiens à détruire toutes ces antiquités païennes. Les thermes,  élevés par la magnificence romaine, furent enveloppés dans cet arrêt de  proscription. Les mœurs chrétiennes s’opposant au mélange des sexes dans ces  bains, Adrien prononça contre les femmes qui les fréquenteraient la peine de la  répudiation. On peut remarquer encore dans le temple de Diane des traces de  mutilation. Souvent, lorsqu’on ouvre la terre, on rencontre des portiques, des  colonnes, et d’autres fragment des bains antiques. Presque toutes les maisons  qui entourent aujourd’hui le bâtiment royal, ont été construites sur les ruines  de ces anciens thermes. Sous l’une de ces maisons, on a découvert de vastes  cavités, qu’on peut regarder sans doute comme les fondements du primitif  édifice.
  Intérieurs des bains romains d'Aix-les-Bains
 
 On sait que les Romains étalaient une grande  magnificence dans la construction de leurs bains publics. Les thermes de  Caracalla, où 3000 personnes pouvaient se baigner à la fois, qui étaient ornés  de 1600 sièges de marbre ; les thermes de Dioclétien, qui avaient 1060  pieds de long, témoignent assez des richesses que les Romains aimaient à  rassembler dans leurs bains publics. Si les bains d’Aix n’offraient pas une  semblable magnificence, on ne saurait nier toutefois que ce peuple n’ait  apporté dans leur Construction le goût qui le distinguait. L’Arc de Campanus  et le Réservoir du Vaporarium, qu’on trouve sous là maison Perrier, sont  de beaux débris de ces thermes. L’édifice s’étendait sur une grande partie de  la ville actuelle. Il était formé de trois corps de bâtiments, entouré de  colonnades et de portiques, décoré dans les entre-colonnements de sculptures et  de statues d’un travail achevé ; des mosaïques d’un fini précieux, à en juger  par les fragments qu’on a déterrés, ornaient chaque salle et chaque cabinet ;  des marbres de toutes les couleurs avaient été employés au revêtement des murs  et des parquets. En face des bains s’élevait une vaste place (area) :  c’était là que se promenaient les buveurs, et que se donnaient les jeux  publics. Les bains occupaient le centre, et, sur la circonférence de l’arc  extérieur du bâtiment central, se trouvaient les deux piscines, l’une à gauche,  l’autre à droite ; au milieu était la source d’eau froide dont on se sert  encore aujourd’hui. Toutes les eaux, auxquelles venait s’unir le petit ruisseau  d’Aix, se jetaient dans les bassins ou conserves. Comme dans tous les  thermes, on trouvait à Aix des bains de vapeurs (vaporaria), Deux grands  réservoirs offraient aux baigneurs deux immenses piscines. On arrivait à ces  bains par un arc magnifique, l’Arc de Campanus dont nous avons parlé,  haut de près de 40 pieds, et comparable pour sa beauté et ses ornements aux  arcs d’Orange et de Saint-Rémy.
 Non  loin des thermes s’élevait un édifice religieux, le temple de Diane,  qui n’est peut-être, comme la Maison carrée de Nîmes, que le Sacrarium ou le sanctuaire d’un plus vaste monument. Les  archéologues pensent que cet édifice doit remonter aux premiers siècles du  christianisme. L’absence de ciment et de mortier fait présumer qu’il est  postérieur au siècle d’Auguste. Il ne reste plus aujourd’hui de ce beau temple  que quelques ruines, qui forment les trois côtés d’une aile du château du  marquis d’Aix, dans laquelle se trouve le théâtre. L’édifice paraît avoir 40 à  50 pieds de l’est à l’ouest, et 29 de largeur. M. de Ginbernat a publié un beau  dessein de l’Arc de Campanus.   MœURS.  — CARACTèRES. — COUTUMESLes hommes de la vallée d’Aix ont le teint blanc, les  cheveux châtains, la taille élevée. Les femmes joignent à une extrême fraîcheur  une grande blancheur de peau. Les populations sont franches, religieuses,  hospitalières et attachées à leur gouvernement ; leurs mœurs ont été peu  altérées par le contact des étrangers.
 Tous les Voyageurs qui fréquentent la haute société d’Aix et  de Chambéry y trouvent un mélange de politesse et d’affabilité vraiment françaises.
 
 Quelques usages des habitants de la campagne, à l’occasion  des naissances, des mariages et décès, offrent des singularités assez curieuses.  Dans quelques Communes, lors de la naissance d’un enfant, on plante dans un  terrain choisi avec soin un bel arbre, que l’on protège et que l’on garde  comme une relique précieuse.Lorsque l’enfant est ondoyé, on le  place dans un berceau et on le conduit à l’église pouf le baptiser. Ce berceau  est entouré de rubans et orné de cocardes de diverses couleurs. Il est aisé de  deviner lé sexe de l’enfant. Si c’est un garçon, le baptême est annoncé au  son des cloches, et l’enfant placé dans son berceau, sous l’épaule droite du  porteur. Le parrain a coutume de payer les frais du baptême, et d’offrir des  cadeaux à l’accouchée. Le huitième jour, le parrain, la marraine, les amis sont  conviés à un banquet qui a lieu chez le père. C’est une fête de famille fort  ancienne, et qu’on nomme les compérailles. Le titre de compère ou de  commère est un lien de famille respecté. Au cabaret, dans les grandes fêtes, le  compère et la commère          ont une place de choix.
 Lorsqu’un jeune homme  veut se marier, il se rend le soir avec un de se amis dans la maison de la  jeune personne qui a fixé son choix. Si, en l’apercevant, les parents ôtent un  tison du feu, et le placent perpendiculairement au fond de la cheminée, c’est  pour lui un signe de funeste augure : c’est un congé en bonne forme. Il ne  lui reste qu’à se retirer sans demande d’autre explication.Dans quelques communes, le prétendu invite son beau-père  futur au cabaret, fait la demande de la jeune fille, et lui donne des arrhes.  Le samedi suivant se célèbrent les fiançailles dans un repas de famille. La  veille du mariage, nouveau repas chez le père de la jeune fille, où sont invité  les parents et le fiancé, qui réclame sa future. On lui répond qu’elle a  disparu. Il appelle alors le ménétrier, on cherche la fiancée au son de la cornemuse,  on la trouve enfin aux cris de joie des deux familles rassemblées. La jeune  fille est ramenée processionnellement chez elle, où l’on se met à table ;  mais la future ne paraît qu’au dessert. Le jour de la bénédiction nuptiale,  les parents et amis, en habits de fêtes, portant des branches de lauriers,  viennent chercher la mariée. Le plus proche parent de l’époux lui donne le bras ;  les musiciens du village raclent du violon, les jeunes gens déchargent des  armes à feu, et ç’est au milieu de ce tapage infernal qu’elle arrive au logis  de l’époux, où l’attend sa belle-mère. Sur le seuil de la maison, on a placé un  balai. La jeune fille oublie-t-elle de le relever, elle manquera d’ordre dans  le ménage ; si elle le relève au contraire, c’est signe qu’elle sera bonne  ménagère. La belle-mère lui jette une poignée de blé sur la tête, C’est un  langage muet qui indique le souhait qu’elle fait d’une heureuse abondance pour  les nouveaux époux. Alors un jeune garçon agite une quenouille garnie  d*étoupes, à laquelle ses camarades essaient de mettre le feu à coups de  pistolets. C’est un signe dit-on, que la maison est abondamment pourvue de  linge. Quand ces cérémonies sont achevées, commence le repas de noce. Au milieu  du festin, les jeunes époux se lèvent, vont chercher un gâteau surmonté d’une  branche de laurier, qu’on donne à quelque garçon ou à quelque jeune fille, comme  présage d’une union prochaine. Le repas se termine par une quête, que fait un  jeune garçon vêtu de blanc., et qui est ensuite distribuée aux pauvres du  village.
 Le dimanche des Bagnes, c’est ainsi qu’on appelle le  premier dimanche de carême, les enfants du village rendent visite à la nouvelle  épouse, qui leur distribue des fruits secs et des gâteaux.,
 A Annecy, à Aix et dans les petites villes, on a coutume de  se rassembler sous les fenêtres de la mariée en chantant : allouia,  madame est grosse, et celle-ci jette des noix et des dragées en signe de remercîments.
 Le mariage d’un veuf ou d’une veuve donne presque toujours  lieu à un charivari bruyant ; et dans les villes, il est accompagné  d’épigrammes et de chansons.
 
 Dans les fêtes populaires, les églises ne désemplissent  pas. On commence la journée par des offrandes, des prières au patron de  l’église ; puis on danse sur une place. Quelques-unes de ces fêtes sont  fort remarquables. Par exemple, dans les environs de Chambéry, on cite celle  des Carmes, celle de saint Barthélemy, et celle du Myan.Le dimanche des Bugnes, qu’on connaît en France sous le nom  de Dimanche des Brandons, partout, sur les hauteurs, on allume des feux  et l’on danse autour en tenant des torches. La Savoie a, comme la France, les feux  de saint Jean et son Mai, que l’on plante le premier jour de ce  mois. Les habitants de la vallée ont une foule de croyances superstitieuses,  qui s’effacent peu à peu dans les grandes villes. Les cris du hibou, de la pie,  les hurlements des chiens sont autant de signes funestes. On croit que la  femme enceinte qui tient un enfant sur les fonds baptismaux, porte malheur à  son filleul. Qui refuse l’aumône à un mendiant attirera sur lui les  malédictions du ciel ; Qui s’est enrichi tout à coup sans qu’on connaisse  la source de sa fortune, a nécessairement fait un pacte avec le diable.
 
 Le Savoisien a de la disposition, en général, aux sciences  et aux lettres, mais seulement lorsque le sort l’a jeté hors de son pays. Chez  lui, il est paresseux, indolent. Aucun peuple n’a donné de plus éclatants  exemples d’amour de la patrie. « Il résulta, dit l’abbé Grillet, du  dénombrement des habitants de la Savoie, que le roi sarde fit faire par les  curés, en 1783, que les absents, dans le seul diocèse de Genève, montaient au  nombre de 44000, dont plusieurs étaient établis en Asie et en Amérique ». Chacun  sait que beaucoup de négociant, originaires de la Savoie ont des maisons à  Paris, Lyon, Bordeaux, Nantes, Strasbourg. D’autres sont banquiers, fabricants  ou commerçant à Augsbourg, Constance, Munich, Vienne, Lamberg, en Pologne, etc.  Cependant l’amour de la patrie, et le désir d’y finir ses jours, sentiments qui  sont communes aux Savoisiens, aux Suisses et à tous les habitants des hautes  montagnes, ramènent nos montagnards du centre des cités les plus opulentes  dans l’habitation qui les vit naître, pour y jouir, au sein de leurs familles  et de leurs amis, de la fortune qu’ils ont faite dans les pays étrangers. Il  n’y a point de peuple, ainsi que l’observe le marquis de Barol, qui ait manifesté  plus d’attachement à son propre pays que le Savoisien. Ceux qui, chez l’étranger,  accumulèrent de grandes richesses, tels que le cardinal de Brogny et Eustache  Chapuis, conseiller de Charles-Quint, en consacrèrent la majeure partie à des établissements  avantageux à leurs compatriotes ; Falquct, Saillet, d’Arache, Poncet de  la Frasse, Gennami, de Saint-Nicolas, de Vérose, etc., etc., firent rebâtir les  églises de leur patrie et y fondèrent des écoles pour l’instruction de la  jeunesse. Mais, parmi les exemples que l’histoire de ce pays fournit à ce  sujet, le plus mémorable sans doute est celui qui a été donné par le  général de Boigne, qui a consacré plus de quatre millions à l’embellissement et  au bien de Chambéry, sa ville natale. (Voir Chambéry). COSTUMES.On remarque dans les vêtements des peuples des vallées  savoisiennes une grande négligence et peu de propreté. Les femmes portent un  corset rouge ou bleu, dont les manches, d’une autre couleur s’arrêtent au  coude, une jupe d’étoffe grossière avec des plis nombreux, un chapeau de paille  tressé grossièrement, qu’elles remplacent le dimanche par une coiffure d’une  petite dentelle. Les hommes ont un habit long, de couleur éclatante, blanche  le plus ordinairement, avec de larges poches, un bonnet rouge et les jours de  fêtes un chapeau à larges bords. Ce bonnet de laine rouge est commun à tous les  enfants qui ne mettent des souliers que les jours de grandes fêtes.
 IDIOMES.
 Le dialecte des habitants de la campagne est un patois doux  et abondant en images. Il est formé, surtout dans l’arrondissement de Chambéry  et d’Aix, d’un nombre de mots italiens, français et latins. L’idiome du peuple  d’Annecy est traînant comme celui de Chambéry, et a de grandes affinités avec  celui de Lyon. Voici une vieille, chanson des gens du peuple des environs  d’Aix.
 
          De bailleri un cartan de sataigne
 Que l’aisse  fusse sandia
 In vin de  sautagne.
 De me cuthieri dezo le pon,
 To de mon Ion :
 Et de deri à l’aisse
 Le bon Dio te  craisse !
 
 La racine de cet idiome est latine,  comme on peut le voir dans la conversation suivante, tirée du patois de la  contrée. 
          Ma  fellie (filia, fille), vaten dere à ton avo (avunculus, oncle) et  à ton paré (pater, père) d’alla ara ( arare, labourer ) et d’alla  sertié lo bou (bos, bœuf), que son dedien le pra... (pratum, pré),  metta de phasous (phaseolus, haricot) dien l’ouda (olla, marmite  ), avoi un pou d’ouillo (oleum, huile). Di à ton paré de refendre cho  bocon de traz (trabs. poutre)..., porta-lui son mantel (manille,  cappe), à causa de l’oura (aura, vent), o ben son vestie (vestis,  habit). Qu'on peut tenter de traduire ainsi : Ma fille va dire à ton oncle et à ton père d'aller labourer et d'aller chercher les bœufs qui sont dans le pré...
 Mets les haricots dans la marmite avec un peu d'huile...
 Dis à ton père de refendre le morceau de poutre...
 Portes lui son manteauà cause du vent, ou bien sa veste.
 
 
 Le dialecte tarentais se rapproche davantage de l’italien,  comme on peut le voir dans la chansonnette suivante : 
                    Di bassà Tarentaisa Du pay dieû  de s'ai
 Son trè zenti  zomô.
 Que son  amoireu de moi
 L'on è le fi  d’on conto,
 L’utro è le  fi d’on prince t
 Un utro  è le fi d’on ré.
 Et vèra,  vèra, vèra,
 Sû, sû sû sû sû,
 O chè d’amor  per mél...
 
 
   THERMES.L’établissement royal présente un bel aspect. La façade  offre quatre colonnes d’ordre ionique, surmontées d’un fronton décoré des armes  royales. On y lit celte inscription :
 
                      VICTOR AMOEDEUS III. REX. PIUS. FELIX. AUGUSTUS. P. P. HASCE. THERMALES* AQUAS. A. ROMANIS.OLIM. E. MONTIBUS. DERIVATAS. AMPLI ATIS.
 OPERIBUS. IN. NOVAM.
 MèLIOREMQUE. formAm. REDIGI.
 IUSSIT. APTIS. AD. ÆGRORUM. USUM.
 ÆDIFICIIS. PUBLICÆ. SALUTIS. GRATIA.
 EXSTRUCTIS. ANNO. MDCCLXXXIII.
           On arrive aux thermes par quatre belles marches. Au centre,  une cour est entourée de cabinets de bains. Ces bains ont trois robinets :  l’un qui fournit l’eau d’alun ; le second, l’eau de source, et le  troisième, l’eau commune. Les cabinets de douches sont au nombre de 4. La douche  des princes, la douche des dames, la douche des hommes et la douche  de l’enfer. Il existe une douche écossaise, nommée Thermopsyque, où  le malade passe d’une douche chaude à un douche froide qui l’inonde comme une  pluie. C’est à cette douche qu’on soumet les malades attaqués de névralgie, les  rachitiques, les aliénés. Les femmes, les enfants sont soumis à une douche  d’une chaleur tempérée. La douche dont l’action est la plus énergique, est  celle qu’on a nommée douche d'enfer. Il y a l’enfer des hommes et  l’enfer des femmes. On y descend par un escalier de 16 marches. L’enfer  des femmes a 8 pieds de longueur, autant de largeur, et 14 de profondeur. Deux  robinets y versent à grands flots l’eau de soufre. L’enfer des hommes, à peu  près semblable à celui des femmes, est formé d’une suite de gradins où la  chaleur est à divers degrés. C’est une véritable étuve russe, où le malade reçoit  sur la tête et les membres une colonne d’eau de 12 pieds de hauteur, Des doucheurs  ou doucheuses saisissent le malade quand la douche a été administrée  et lui frictionnent les membres afin, de favoriser l’action des eaux. On  l’emporte de là entouré de draps et de couvertures dans un lit chaud, où il  est soumis aux soins d’un sécheur, qui répète à peu près les mêmes  frictions que les doucheurs.
  Tout récemment le bâtiment royal a reçu de grandes  améliorations.
 Il y a encore une cinquième espèce de bains à Aix ; les  Thermes-Berthollet. C’est un établissement naissant, mais précieux sous le  rapport de la science et de l’utilité médicale qu’on en retire. Le comte  Berthollet, l’un des plus célèbres chimistes modernes, était né en Savoie. Sa  mort arrivée en 1822, époque de la restauration de ces thermes, engagea les  autorités d’Aix à solliciter du gouvernement la faveur de donner son nom à  cette nouvelle institution.Ces thermes consistent dans un cabinet voûté où l’on  administre la douche aux pauvres et aux militaires ; au-devant est un bain  de vapeur ; plus bas est le bassin pour la douche des chevaux et des  autres animaux domestiques, et tout près de là sont les piscines, le bain de  natation et une fontaine abondante qui fournit de l’eau pour les bains à  domicile. ;
 Les heureux effets des Thermes-Berthollet attirent une si  grande affluence de malades ; que, pendant plus de deux mois, ces bains  sont occupés du matin au soir.
 
 Le nom de Bain-Royal donné au grand bassin se  rattache au souvenir du passage de Henri IV, qui le visita. Le docteur Cabias  nous apprend que : « le grand Henri descendit de cheval vers le grand  bain, auquel, avec plusieurs princes de sa cour, il se baigna et se lava  l’espace d’une heure, avec autant de contentement que s’il avait joui du plus  grand plaisir du monde : ce qu’il témoigna disant que tous les bains des  baigneurs et étuves de Paris n’étaient rien aux regards de ceux-ci. »Ce bassin, dans la partie qui  n’est pas couverte, n’est plus fréquenté que par la jeunesse d’Aix, qui s’y  exerce à la natation. On y douche aussi les chevaux. Les rapports d’habiles  artistes vétérinaires constatent les effets remarquables et salutaires de ces  eaux ; ils n’hésitent pas à penser qu’elles peuvent offrir un moyen  curatif pour beaucoup de maladies hippiatriques réputées incurables.
 
   CURIOSITéS NATURELLES La grotte des Serpents. — Elle est  connue sous ce nom, parce qu’on prétend qu’elle était fréquentée autrefois par  un grand nombre de serpents, qu’y attiraient la chaleur des eaux. Ou en  rencontre encore par intervalles, mais ils ne sont pas dangereux ; et les enfants  du pays, qui les chassent, s’amusent à les montrer aux étrangers. La grotte est  à quelques centaines de pas au-dessous du jardin Chevalay. On y pénètre  d’abord debout, mais à une certaine distance, il faut se courber et ramper pour  avancer. On entend distinctement alors le bruit d’un courant d’eau. En hiver,  les vapeurs qui s’exhalent de la source s’élèvent en forme de brouillard, qu’on  aperçoit à une grande distance.Le docteur Dacquin raconte  qu’ayant pénétré dans une ouverture au niveau du terrain, il entendit un bruit  semblable à de l'eau qui se précipite, qu’il fut arrête soudain par le peu de  développement du passage, et surtout, par le haut degré de vapeurs qui le  suffoquaient, et qui le forcèrent à sortir précipitamment.
 
 Le puits d’Enfer. - C’est une grotte qui se  joint à celle des Serpents. Il faut un certain courage pour y descendre. On se  sert d’une échelle de 8 à 9 pieds ; puis il se présente une seconde ouverture  où il faut également descendre à l’aide d’échelons. Un guide vous accompagne,  muni d’une lampe, qui ne jette qu’une pâle lueur au milieu des brouillards  humides dont ces souterrains sont remplis. L’eau qui bouillonne répand des  vapeurs suffocantes de 30 à 35 degrés de chaleur. Tous vos vêtements sont  bientôt imprégnés d’humidité. On ne peut se défendre d’un vif sentiment de  crainte, lorsque le guide agite la torche qu’il tient en mains, et qui menace  souvent de s’éteindre. Il y a quelque temps que lord Seymour essaya de pénétrer  jusqu’à l’extrémité de ce souterrain ; mais bientôt il revint, les vêtements  en lambeaux, et presque asphyxié.
 
 La grotte de Mouxy se trouve non loin  d’Aix ; elle a plusieurs soupiraux ou ouvertures. Le premier est de  forme ronde et a environ 4 pieds de circonférence et 3 de profondeur. Il sort  de ce soupirail une légère vapeur. Le thermomètre placé à cette ouverture  monte en quelques minutes de plusieurs degrés. Au troisième soupirail, large  d’un pied sur 4 de longueur et 5 de profondeur, on est frappé d’un volume considérable  de vapeurs chaudes et humides qui s’en exhalent. En hiver, la neige qui  l’entoure fond à un pied de distance. On a remarqué que la glace ne se  formait jamais autour de cette grotte, et que les arbres et les arbustes à  racines pivotantes y périssaient au bout de quelques années.
 
 Le  Cul-de-Lampe est un réservoir naturel qui s’élève à côté des Thermes-Berthollet.  Il est situé dans une grotte circulaire de 10 pieds de diamètre. Là sont entassées  les boues thermales déposées par les eaux d’alun. Ces eaux ont un degré de  chaleur au-dessus des eaux de soufre ; elles se refroidissent lentement,  et offrent alors un phénomène remarquable. En effet, un volume d’eau commune,  dit M. le comte de Fortis, égale à celui d’un bain porté au degré d’ébullition  (de 70 â 80 degrés de Réaumur / 80° réaumur = 100° celcius), se refroidit au bout d’une heure, tandis que  les eaux thermales, disposées à quatre ou cinq heures du soir, sont encore, le  lendemain matin, au degré convenable pour le bain.
 L’eau de soufre donne à l’argent une teinte cuivrée. Cette  couleur s’efface par le frottement. La faïence, soumise à l’action de cette  eau, prend une couleur de bronze. M. Dacquin a remarqué que l’eau d’alun  ranimait les végétaux et rendait aux plantes tout leur éclat. Saussure, qui  visitait les eaux d’Aix en 1790, a confirmé l’opinion répandue dans le pays  que le bassin des eaux thermales renferme des animalcules vivants, Voici ce  qu’il rappelle dans son voyage aux Alpes, tome III.
 « Malgré la chaleur de ces eaux on trouve des animaux vivants  dans les bassins qui les reçoivent. J’ai reconnu des rotifères, des anguilles  et autres animaux infusoires. J’y ai même découvert en 1790 deux nouvelles  espèces de tremelles douées d’un mouvement spontané On peut voir leur  description dans le Journal de physique de 1790. »
 Un autre phénomène particulier aux eaux de soufre, et qui a longtemps  excité l’attention des savants, est celui qu’elles ont présenté aux tremblements  de terre de Lisbonne en 1755, et de la Calabre en 1783. On vit les sources se  refroidir, se troubler, se couvrir d’écume blanchâtre, tandis que les eaux  d’alun restèrent dans leur état normal. On sait l’espace qui sépare Aix de  Lisbonne. Par quels canaux souterrains la commotion a-t-elle pu s’étendre ?  C’était là le problème à décider. En 1822, une secousse se fit sentir depuis la  chaîne du Mont-Blanc jusqu’au-delà de la ville de Lyon, agitant dans son  passage, de quelques secondes, les bassins d’Aix et de Chambéry. Les sources  sulfureuses offraient alors les mêmes phénomènes observés un demi-siècle  auparavant ; elles se troublèrent et se refroidirent pendant un assez  long espace de temps, puis se couvrirent à leur surface d’agglomérations  cendrées, gélatineuses dont on peut voir encore quelques échantillons dans les  magasins de rétablissement, et dans quelques cabinets de curieux, qui les  emportèrent pour en enrichir leurs collections.
 Lac du Bourget : En quittant Aix et ses monuments, les regards se portent  d’eux-mêmes sur le lac du Bourget, dont la belle perspective remplit au  nord l’ouverture de ce cercle de montagnes qui vous environne. On voit de là ce  lac dans toute sa longueur, depuis le Bourget et l’escarpement effrayant de Bordeaux,  qui serait au besoin un autre rocher de Leucate ou de Meillerie, jusqu’à la  Tour de Châtillion. Cette plaine d’azur fait une agréable interruption dans ce  cadre de rochers, qui semble s’ouvrir pour laisser échapper la vue avec les  eaux qui s’y précipitent. Le lac du Bourget est abondant en excellents poissons  de toute espèce, et surtout en lavarets. Ses eaux se dégorgent dans le  Rhône par le canal de Savière, ce qui établit une communication directe  avec la Méditerranée.
 
 Plus loin est la Fontaine de Merveilles si vantée  dans la contrée. Son eau capricieuse s’échappe quand on s’y attend le moins, au  travers du buis, du capillaire, du lierre et du scolopendre ; ce n’est  d’abord qu’un petit courant fort paisible dont on s’approche avec sécurité ;  mais bientôt l’eau augmente et vous entoure. Tout à coup on entend un murmure  sourd, le filet est rompu, il cesse de couler, la fontaine retire son onde.  D’autres fois la nymphe se joue impitoyablement des fatigues et de la patience  des voyageurs ; on a traversé péniblement le lac, on a gravi la côte, on  est pressé de retourner, on attend... La quinteuse retient ses flots captifs  et les refuse obstinément aux vœux des spectateurs ; il faut partir sans  avoir rien vu, sous peine d’être surpris par quelque orage ou par la nuit, qui,  ce jour-là, semble accélérer son retour.
 Le P. de Challes a publié un petit écrit sur cette fontaine ;  MM. Pictet et Lefort l’ont décrite et ont essayé d’en expliquer le phénomène  dans le journal de Genève au 16 janvier 1790.
 
 
 BIOGRAPHIELa  ville d’Aix est le berceau de plusieurs hommes célèbres, Claude de Seyssel, né au château d’Aix vers le fin  du XVe siècle, fut un des savants les plus érudits de son temps. Il  vint en France, où le roi l’appela dans son conseil, et il y déploya les talents  d’un profond jurisconsulte et d’un habile homme d’état. Nommé à l’archevêché  de Marseille en 1500, il fut envoyé plus tard au concile général de Latran, en  qualité d’ambassadeur du roi de France. Il cultiva la littérature, et écrivait  avec facilité. Il composa plusieurs livres estimés, parmi lesquels on distingue  surtout l’Histoire de Louis XII. Profondément versé dans l’étude de la langue  grecque, il fut le premier écrivain en France, dit le savant Naudé, qui fît  connaître par des traductions les ouvrages d’Eusèbe de Césarée, de Thucydide,  d’Appius d’Alexandrie, de Diodore de Sicile, de Justin ; il traduisit  encore les œuvres de Sénèque, et plusieurs Vies de Plutarque. A une époque où  la langue française, encore dans son enfance, n’offrait qu’un mélange barbare  d’éléments sans ordre, sans grâce et sans lois, Seyssel s’éleva par la correction  de son style au-dessus des auteurs de son siècle ; il fut un des premiers  dont les ouvrages purent être cités comme des modèles de composition et de  pureté.
 Jacques  Maistrait fut, dans le XVIe  siècle et au commencement du XVIIe, l’un des prédicateurs les plus  célèbres par son éloquence et son zèle apostolique.
 Parmi les savants contemporains nés à Aix, citons encore un  écrivain qui réunit les études du naturaliste à celles de l’archéologue, M. le  général comte Mouxy de Loche. On connaît ses travaux sur les abeilles et les  lépidoptères, et ses recherches sur les antiquités de sa patrie. Les Mémoires  de l’Académie de Turin et ceux de la Société royale de Chambéry contiennent  différons traités remarquables de cet auteur.
 
 
 BIBLIOGRAPHIEDescription des Alpes grecques et  cottiennes, par M. Albanis-Beaumont.
 Essai sur la topographie d’Aix en  Savoie et ses eaux minérales ; par MM. Despine et Humbert.
 Les eaux thermales d’Aix ; par M. Dacquin.
 Notice sur Aix en Savoie et ses établissemens ; par  M. Francœur.
 Dictionnaire historique de la Savoie ; par M.  Grillet.
 Des vertus merveilleuses des bains d'Aix en Savoie ;  par J.-B. Cabias.,
 Voyage à Aix-les-Bains ; par M. le comte de  Fortis. — Lyon, 1829 ; 2 vol. in-8.°.
 Recherches historiques sur les  antiquités de la ville d'Aix ; par M. le général comte de Loche.
 Observations sur le monument sépulcral de Campanus à  Aix en Savoie ; par Millin.
 Voyage en Savoie ; par David Bertoletti,1828.
 2 vol. in-8.°
 Analyse des  eaux thermales d'Aix en Savoie par M. Socquet.
 
 ON SOUSCRIT CHEZ :HIPPOLYTE SOUVERAIN,  édit. 3, rue des Beaux-Arts.
 Paris. — Imprimerie de  BAUDOUIN, rue Mignon, n. a.
 
 |