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Les villes à travers les documents anciens

Page de garde de L'Univers de Jules Janin

Wiesbaden (Wiesbade) vers 1840

 

Monument à Wiesbaden vers 1840 - gravure reproduite et restaurée numériquement par © Norbert Pousseur
le 'Grand Salon' aux bains de Wiesbaden, gravure non signée

 

Texte et gravure
extraits de l'ouvrage "L'Univers
collection des vues les plus pittoresques du globe" de Jules Janin - édition ~1840

C’est un des plus doux recoins de cette Allemagne, si remplie de calme, de repos, de verdure, d’eaux bienfaisantes. A chaque pas que vous faites sur cette heureuse terre, vous rencontrez une de ces sources renommées si pittoresques. Depuis la vallée d’Ehrenbreiststein jusqu’à Wiesbade seulement, comment compter ces douces haltes, que peut faire le malade ou le voyageur ? Voici d’abord Ems, le plus ancien bain de l’Allemagne, placé tout au bas d’un groupe imposant de rochers ; Nassau, bâti par le comte de Lauenbourg, qui s’était arrêté à cette place, un jour qu’il chassait le cerf; Schaumbourg et les ruines de son château bâti par Baudouin, en 1325, ruines mélancoliques qui invitent à la méditation; Fachinzen, romantique vallée que borne le Limbourg. On arrive ainsi par des chemins sablés, par les pentes les plus douces, par les passages les plus frais, jusqu’à Wiesbade. Le plus beau sentier qui conduise à Wiesbade, traverse l’endroit nommé Die hohe Wurgel. Tout d’un coup se présente à vos regards surpris, l’imposante vallée du Rhin, dans toute sa largeur; vous voyez le Rhin descendre, en longs flots d’argent, des hauteurs de la forêt Noire. Tout en face, Mayence élève ses tours dans les airs ; plus haut encore le Mont-Tonnerre cache son sommet dans les nues ; à votre droite, les villages du Rhingau s’appuient doucement sur les cimes boisées de la Bogtress, pendant qu’à votre gauche s’étend le Mein, vallée fertile. Dans cette vallée, se montre au loin la ville de Francfort ; au milieu de ces merveilleuses et éblouissantes apparitions, se cache humblement la douce, modeste, humide et heureuse petite ville de Wiesbade.

Les Romains, qui ont deviné toutes choses en véritables maîtres du monde qu’ils étaient, avaient fait creuser des bains à Wiesbade. Drusus y fit construire un petit fort, dont on voit encore les ruines; ces ruines s’appelaient Murs des Passants (Heidein-Maur) ; ce mur commence à la colline, il traverse la rue dans toute sa longueur et passe devant le vieux château bâti avec les pierres de ce mur ; il s’arrête à la limite de la ville qui a été bâtie en grande partie avec ces fortifications inutiles. Ce mur immense avait vingt pieds de haut sur dix pieds de large; ces pierres énormes étaient liées entre elles par ce terrible ciment romain, dont le secret est perdu. — On a retrouvé aussi à Wiesbade les restes d’un bain romain également construit sur des proportions gigantesques ; 90 pieds de long, 5o pieds de large sur une hauteur de 5 pieds. Le parquet était garni de briques portant l’empreinte de la XIIe légion. Quels terribles baigneurs, ces Romains !

Les rois de la première race avaient établi à Wiesbade le siège principal d’une centurie royale. Charlemagne s’y était construit une maison de plaisance, qu’il visitait chaque année ; Othon-le-Grand fit de Wiesbade une ville. Mais ce palais de Charlemagne et d’Othon a été dévoré par l’incendie ; on n’en trouve plus que quelques vestiges. Dans ce lieu qu’il aimait, Charlemagne n’a guère laissé que le souvenir de son nom et les trois lys sur champd’azur qui décorent l’hôtel-de-ville.

Wiesbade est un des bains les plus fréquentés de l’Allemagne ; là se rendent, chaque année, les plus jeunes, les plus heureux, les plus élégants malades, et surtout les mieux portants. Les quatorze sources d’eau chaude et les deux sources d’eau froide peuvent à peine suffire à tous les buveurs qui s’y donnent rendez-vous de toutes les capitales de l’Europe. Les eaux viennent toutes bouillantes des hautes montagnes situées au nord-ouest de la ville. — Un palais magnifique sert d’asile à tous les buveurs ; il est placé au bout de la ville ; on arrive, par une immense rangée de beaux arbres, jusqu’à un grand portique composé de six colonnes ioniques. — Mais vous dire les portiques, les colonnades, les jardins, la salle de danse, la salle à manger, la salle de jeu, les meubles, les statues, les tableaux de ce caravansérail du luxe, je ne saurais. Et quelle belle forêt ! que de belles malades ! Elles arrivent par bandes joyeuses, de Saint-Pétersbourg et de Paris, de Londres et de Vienne, belles, heureuses, parées, riantes, se préparant par des fêtes de chaque jour, aux fêtes de l’hiver. C’est un bruit, c’est un mouvement, c’est un murmure, c’est une oisiveté occupée, dont rien ne saurait donner l’idée. Il faut y être aller et. en revenir, et encore, comment dire toutes les fêtes, toutes les joies, tous les bonheurs, toutes les charmantes maladies de Wiesbade.

Cependant, la ville n’est pas tellement un bain immense et une immense salle de danse, qu’on n’y trouve encore une caserne, une église, une bibliothèque, un théâtre. La bibliothèque contient soixante mille volumes, c’est-à-dire, soixante mille fois plus de livres que les baigneurs n’en sauraient lire. Il y a aussi un musée pour les étrangers ; mais qu’importe aux étrangers ce musée ? ils n’iraient pas même voir la Vénus de Milot, ou l’Apollon du Belvédère; ils sont si malades et si occupés !
Cependant, parlez-nous des promenades! parlez-nous du jardin anglais, qui commence au ruisseau d’Hewengarten, qui s’arrête au moulin de Dicten, un quart de lieue à parcourir; et l’étang de Cousaul et le mont de Néron ; la vallée de Néron qui se cache sous les vieux chênes. En ce lieu tout rempli d’antiquités romaines, Drusus avait un rendez-vous de chasse, qui renfermait et la montagne, et la vallée, et le ruisseau qui la borde. Et parlez-nous aussi de la chaussée qui mène au château de Tonnemberg, à une demi-lieue de la ville : le château est situé au milieu du village, sur une roche peu élevée. Il est en ruine, comme un vénérable château allemand ; la porte qui mène à ces ruines est debout encore. Franchissez ce noble seuil, et vous découvrirez tout au loin le Rhin qui serpente ; tout au fond, et pour terminer dignement ce paysage, s’élève la chapelle de Rembach. — Il y a aussi un couvent fondé par Adolphe de Nassau et sa femme Imagène : Imagène avait été enterrée à cette place : on n’a retrouvé de ce tombeau que la pierre qui le couvrait.

Les pierres funèbres lie manquent pas en ce lieu solitaire. De chaque côté de la route qui conduit à Bladenstadt, des tombeaux sans noms sont couverts de ronces et d’arbustes. Mais il n’y a plus un seul mort dans ces tombes : la tombe a tout dévoré. Pas le plus petit ornement, rien qui prouve qu’un cadavre humain a été confié à cette terre dévorante. Seulement des armes, du charbon, des coupes pour les sacrifices, des flèches, des lances, des épées, quelques monnaies d’or, d’argent ou de cuivre, les dernières dépouilles de ces dépouilles mortelles, évanouies. — Pas assez de cuivre pour qu’on se soit donné la peine d’ouvrir toutes ces tombes. — Aussi ont-elles été respectées.

A un quart de lieue, de l’autre côté de Wiesbade, s’élève le Geisberg, douce montagne facile à gravir, facile à descendre, faite tout exprès pour la promenade de ces heureux oisifs ; de là vous découvrez Mayence et les bords du Rhin. — A deux lieues de Wiesbade, s’élève, au milieu de la forêt, un château de chasse, le plateau qui domine les deux routes d’Edstein et de Limbourg ; de ce point-là, vous jouissez d’une des plus admirables vues de l’Allemagne. Le palais est tout neuf, et cette nouveauté vous repose de toutes ces ruines.
Mais de quel côté se tourner, qui ne soit pas une admirable perspective; Voici le Rhin ! voici le Mein! voici Morbach, voici le fertile Rhingau ! l’œil est ébloui ! et que de souvenirs renouvelés sur ces beaux paysages ! A cette même place les Romains et les Germains se sont disputés avec acharnement ces rives fertiles. — Le naturaliste n’est pas moins intéressé que l’historien ; que de plantes pour l’herbier ! que de minéraux pour la collection ! que d’inscriptions pour l’antiquaire ! que de points de vue pour le paysagiste ! que de beaux ombrages pour le poète ! que de fraîches prairies pour l’agriculteur ! Wiesbade est près des montagnes du Taunus, qui protège de son ombre bienveillante quatre adorables vallées. Ainsi, marchant de la montagne au vallon, de ces ruines au château, du roc escarpé à ces douces prairies, passant des eaux froides aux eaux chaudes, du lac à la source d’eau vive, de la forêt à la plaine, de l’histoire à la légende, vous composez le plus charmant voyage qui se puisse inventer, même dans les rêves de vingt ans, quand le jeune cavalier emporte sur son cheval sa bien-aimée dans les bois.

Voir aussi les pages, sur ce site, sur le Rhin.

 

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