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Les villes à travers les documents anciens

Page de garde de L'Univers de Jules Janin

Venise - Place Saint Marc vers 1840

 

Venise - Place Saint Marc vers 1840 - gravure reproduite et restaurée numériquement par © Norbert Pousseur
Venise, place St Marc, gravure non signée, anciennement Venice en italien, Venezia à présent, piazza San Marco

 

Texte et gravure
extraits de l'ouvrage "L'Univers - collection des vues les plus pittoresques du globe" de Jules Janin - édition ~1840

La place Saint-Marc est unique au monde. Là sont comme en présence et rapprochés, l’Orient et l’Occident : d’un côté, le palais ducal avec l’architecture de dentelle, les balcons et les galeries des monuments arabes, l’église Saint-Marc dont la façade aiguë et les dômes couverts de plomb rappellent une mosquée de Constantinople ou du Caire; de l’autre, des arcades régulières et des boutiques comme au Palais-Royal. Le même contraste se retrouve parmi les hommes ; là sont des Turcs, des Grecs, des Arméniens étendus, immobiles, prenant le café ou des sorbets sous de grandes toiles semblables, par l’éclat de leurs couleurs, à de véritables tentes, fumant des parfums dans leurs longues pipes de bois rose à bout d’ambre ; automates majestueux, multitude indolente que traversent précipitamment des Européens voyageurs ou allant à leurs affaires.
Le nombre infini de colombes qui couvrent la place Saint-Marc, la coupole de la basilique et les toits du palais ducal ajoute encore à l’aspect oriental de ces monuments : dans un pays où l’autorité est à la fois si lente et si surveillante, on aimerait assez à confier ses lettres à de tels messagers. Ces pigeons remontent aux anciens temps de Venise. Alors, il était d’usage, le jour des Rameaux, de lâcher d’au-dessus de la porte principale de Saint-Marc un grand nombre d’oiseaux avec de petits rouleaux de papier attachés à la patte, qui les forçaient de tomber ; le peuple, malgré leurs efforts pour se soutenir quelque temps en l’air, se les disputait aussitôt avec violence. C’était une espèce de distribution en nature, un peu moins ignoble que les nôtres. Il arriva que quelques-uns de ces pigeons se délivrèrent de leurs entraves, et, traînant la ficelle, cherchèrent un asile sur les toits de l’église Saint-Marc et du palais ducal, près de ces plombs redoutables où gémissaient, captifs, des humains bien plus malheureux. Ils s’y multiplièrent rapidement ; et tel fut l’intérêt qu’inspirèrent ces réfugiés, que, d’après le vœu général, un décret fut rendu portant qu’ils seraient, non-seulement respectés, mais nourris aux frais de l’état. Venise a perdu sa liberté ; et ces oiseaux, toujours légers et gracieux, semblent avoir échappé à la conquête allemande.
Venise palpite encore à la place Saint-Marc. Ses quartiers éloignés, quelques-uns même de ses plus magnifiques palais sont abandonnés et s’écroulent. Ce cadavre de ville, comme dirait l’ami de Cicéron, est déjà froid aux extrémités ; il n’a plus de chaleur ni de vie qu’au cœur.
Le café de Florian, sous les arcades des procuratie nuove, était, dans les anciennes mœurs de Venise, une espèce d’institution. Il n’a point échappé à sa décadence. Ce café célèbre comme les autres grands cafés de la place Saint-Marc, Quadri, Leoni, Sultil, etc., est cependant ouvert toute la nuit, et en toutes saisons, et il ne ferme jamais. Florian était autrefois l’homme de confiance, l’agent universel de la noblesse de Venise. Le Vénitien qui descendait chez lui avait des nouvelles de ses amis et de ses connaissances ; il savait l’époque de leur retour, et ce qu’en son absence ils étaient devenus; il y trouvait ses lettres, ses cartes, et probablement aussi ses mémoires ; enfin, tout ce qui le concernait avait été fait par Florian, avec soin, intelligence et discrétion. Canova n’oublia jamais les services les plus essentiels qu’il avait reçus de Florian, au commencement de sa carrière, lorsqu’il avait besoin d’être connu, et il resta son ami jusqu’à la fin de sa vie. Florian étant alors tourmenté de la goutte qui se portait souvent aux pieds, Canova fit le modèle de sa jambe, afin que le cordonnier pût prendre sa mesure sans le faire souffrir. Cette jambe du limonadier ne me paraît pas faire moins d’honneur à Canova que son Thésée : il est doux d’estimer l’homme après avoir admiré l’artiste.

A l’extrémité de la place, sont trois pili ou porte-enseignes, mâts élevés sur lesquels flottait jadis l’étendard glorieux de Saint-Marc, et que remplace le drapeau autrichien. Les bases en bronze de ces pili, par Léopardo, ont l’élégance et le goût des ouvrages grecs. L’artiste a eu le soin, en outre, de les polir si parfaitement, que ces figures semblent encore aujourd’hui sortir de l’atelier, quoique exposées depuis plus de trois siècles aux injures de l’air, aux sirocos d’Afrique, et à cette vapeur, à cette poussière humide et salée lancée par les flots en courroux de l’Adriatique.


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