Accueil Présentation Lieux 900 photos Cartes - Gravures Thèmes Personnages


Les villes à travers les documents anciens

Orléans au 17 et 18ème siècle

Plan d'Orléans vers  1770 - gravure reproduite par © la BNF et restaurée numériquement par © Norbert Pousseur
Plan de la ville d'Orléans,
dédié à messieurs les Mairs (sic) et échevins de ladite ville par leur très humble... serviteur Perdoux,
plan édité par Perdoux en 1773, numérisé et conservé par la BNF/Gallica
(amélioré numériquement par l'auteur du site, Norbert Pousseur).

Voire aussi Orléans au 19ème siècle

Voir aussi la département du Loiret en 1883

Article extrait du Dictionnaire universel géographique et historique - Thomas Corneille - 1708
(collection personnelle
)

NB : cette description, publiée au début de 1700, correspond en fait à la situation d'Orléans en fin du 17ème siècle.

ORLEANS. Ville de France, capitale du petit pays appelé l’Orléanais, en Latin Aurelianum Aurelia. Il est à dix-sept lieues de Blois, à trente-deux de Paris et à trente-quatre de Tours et connue dans toute l’Europe pour une des plus grosses et des plus agréables villes du Royaume, tant pour la situation qui est au bord de la rivière de Loire, que parce qu’elle est dans une contrée des plus fertiles. Ce qu’on y remarque de particulier est sa forme qui représente un arc. La rivière en est la corde ; le pont, la fléché ; et l’arc, le circuit, de ses murailles fortifiées de quarante tours.Toutes ses rues sont grandes et toujours nettes. La plupart aboutissent sur le quai pour la commodité des Bourgeois et des Marchands.

Le plus superbe de ses édifices est l’Église de sainte Croix sa Cathédrale, quoiqu’elle ait été presque ruinée durant les guerres civiles que fit naître la Religion. Il y avait un des plus beaux et des plus hauts clochers de l'Europe. La pomme qui le terminait était d’une telle grosseur qu’elle aurait pu contenir six ou sept hommes. On a abattu depuis quinze ou vingt années la fléche de ce clocher qui penchait trop d’un côté, ce qui en faisait craindre la chute. L’on estime son grand Cimetière qui est fermé de charniers. Le Chapitre de cette Église est composé d’un Doyen, d’un Sous-Doyen, d’un Chantre, de six Archidiacres, d’un Écolâtre, d’un Sous-Chantre, d’un Pénitencier, d’un Archiprêtre, et de soixante Chanoines.

On compte sept Abbayes dans ce Diocèse, qui a vingt lieues d’étendue, et qui ne contient que deux cent soixante et douze Paroisses, partagées entre les Archidiaconés d’Orléans, de Pithiviers, de Beauce, de Sologne, de Beaugency et de Sully, L’Évêché d’Orléans qui était suffragant de Sens, fut démembré de cet Archevêché en 1622. pour être suffragant de l’Archevêché de Paris. L’Évêque a de fort beaux droits, comme de délivrer les prisonniers le jour qu’il fait son entrée, et d’être porté à la Cathédrale par les Barons d'Yèvre-le-Châtel, de Sully, de Chéray, d’Achères et de Rougemont. Jean d’Orleans de Longueville, Archevêque de Toulouse, ayant été nommé à cet Évêché avec dispense du Pape Clément VII délivra cent quatorze prisonniers en prenant possession de son Église. Le Juge de Solignac n’ayant pas laissé d’en condamné un à la mort, ce criminel en appela au Parlement de Bordeaux. La Sentence du Juge y fut cassée, le prisonnier élargi, et les Évêques d'Orleans furent maintenus dans tous leurs droits.

La Place de l’Étape n’est pas fort loin de la Cathédrale. On va s’y promener à l’abri de quelques arbres. Les Cordeliers et les Dominicains y ont leurs Convents et plusieurs grandes rues y aboutissent. Celle des Pères de l’Oratoire est belle, mais celle qui commence à la place du Martroy la surpasse de beaucoup, pour la quantité des beaux édifices, entre autres la Maison et le Collège des Jésuites, dont la cour mérite qu’on en considère le bâtiment. Leur Église bâtie à l’Italienne, a sa principale entrée dans la plus grande rue d’Orléans laquelle traverse la ville toute entière, quoiqu'elle change de nom dans chaque different quartier par où elle passe. Cette rue qui commence à la porte Bannière, est d'une telle largeur, qu'il semble qu’elle ne fasse qu’une même place avec celle du Martroy où elle passe. Les maisons qui l’environnent la rendent le plus beau quartier de la ville, outre que plusieurs grandes rues y aboutissent, et que quelques autres places n’en sont pas fort éloignées. Celle qu’ils appellent des Carmes et celle de Port Renard sont les principales.

La Maison de Ville a pour ornement une haute tour et une très-belle horloge. Le pont est de pierres et très bien bâti. Il a seize arcades, et finit au grand faubourg nommé Portereau. Sur le milieu est une Ile qui sert de promenade, à cause de plusieurs allées d'arbres qui font un fort agréable ombrage, et de la rivière de Loire qui l’environne. On voit sur ce pont la figure de la Vierge en bronze, tenant son Fils entre ses bras prêt à être enseveli, à l’un de ses cotés le Roy Charles VII à genoux et tout armé, et à l’autre la Pucelle d’Orléans habillée en Cavalier et aussi armée. Tout le monde sait que cette vaillante fille délivra la ville d’Orléans que les Anglais tenaient assiégée. C’est en mémoire de ce grand événement que tous les ans le 12 de Mai on y fait une Procession solennelle, qu’ils appellent la grande Fête de la Ville. A l’entrée de ce pont est le Châtelet, ancien bâtiment sur le bord de la rivière. Il sert de Palais à la Justice, et est devant le petit marché qui renferme la Maison de la Prévôté.

L’Église Collégiale de saint Aignan est une des grandes et des anciennes d’Orléans. Ses Cloîtres que les guerres civiles ont beaucoup endommagés, font une belle plateforme un peu élevée au bord de la Loire. Sa tour est encore en son entier, mais une partie de l’Église est ruinée. L’Abbaye de saint Euverte est desservie par des Chanoines Réguliers de saint Augustin, et il y a plusieurs autres Maisons et Communautés de Religieuses.

On y compte vingt-deux Paroisses, ce qui est une preuve de la grandeur de la ville. Ceux qui ont pris plaisir à la mesurer, ont trouvé qu’en faisant le tour des remparts à commencer au bord de la rivière jusqu’à la porte de Bourgogne, il y a deux cent cinquante pas ; de là à celle de saint Vincent, neuf cents ; de la porte de saint Vincent où commence le mail, long de plus de mille pas entre deux rangées d’arbres, jusqu’à la porte Bannière, onze cent cinquante ; de là à la porte saint Jean, sept cent cinquante ; de cette porte à celle de la Magdeleine, trois cents, et de la porte de la Magdeleine au Jardin des Apothicaires, quatre cents, lesquels avec deux mille autres pas de la longueur du quai, font en tout cinq mille sept cent cinquante pas communs pour le circuit de la ville.

Ce qu’on y trouve de divertissant, c’est la promenade de ce quai, où l'on voit à toute heure partir ou arriver de petites cabanes qui viennent de toutes les villes où la Loire passe, outre plusieurs bateaux qui y vont à voile comme sur la mer, et qui viennent de Nantes chargés de diverses marchandises des lieux éloignés. Ils prennent en échange des vins du pays, parmi lesquels le Genétin, l’Auvernat et celui du petit Val de Loire sont ceux qu’on estime d’avantage. La partie du quai qui est au-dessus du pont, sert aux bateaux qui viennent du côté de Moulins, de Nevers et de Rouanne, où l’on charge les marchandises de la ville de Lyon pour les transporter à toutes celles qui sont sur la Loire, et par le moyen du Canal de Briare, à celles qui sont sur la rivière de Seine.
L’Université d’Orleans que Philippe le Bel y fonda l’an 1312 est une des plus considérables du Royaume.

On est fort en doute d’où cette ville a tiré son nom. Quelques-uns veulent que les Druides en aient jeté les premiers fondements, et disent que c’est celle que César nomme Genabum, ce qui convient mieux, selon quelques autres, à Gien ou à Gergeau. Jean le Maire en son Livre des Schismes de l’Église, dit qu’elle a été fondée, par l’Empereur Aurélien qui commença son Règne l’an 263 et qui la nomma Aurelia de son nom. Sabellie prétend qu'on l’a nommée Orleans, à cause de l’or que lui apporte son commerce, comme si ce mot séparé en deux, Orleans, voulait dire, il y a de l’or ici. D’autres prétendent qu’après que l’Empereur Marc-Aurèle l’eut fait rebâtir, elle prit le nom d’Aurelianum, que quelques Géographes tirent d’Aurélie, mère de César.

Elle est fameuse par divers sièges qu’elle a soutenus. Attila, Roy des Huns, surnommé le Fléau de Dieu, l'ayant attaquée vers le milieu du Ve Siècle, la pressait si vivement que les habitants avaient peine à se confier aux prières de S. Aignan leur Évêque, qui les assurait qu’il leur viendrait du secours. Ils étaient prêts de se rendre, quand Théodoric, Roi des Visigots et Seigneur de l’Aquitaine, considérant que si le Hun entrait si avant dans la Gaule, il pourrait passer la Loire après qu’il aurait pris Orleans et donner jusque dans ses terres, s’avança si à propos avec son armée que les assiégeants furent obligés de lever le siège, et de se retirer dans les champs Catalauniques où les poursuivit Étuis, Chef des Romains, accompagne de vieux Gaulois, de Bourguignons, de Goths, et de Francs ou français que conduisait leur Roi Mérovée. Il y eut plus de cent quatre-vingt mille hommes tués sur la place. Cette ville fut encore assiégée par les Anglais sous le Règne de Charles VII et délivrée par la valeur de Jeanne d’Arc, dite la Pucelle d’Orléans. Ce fut depuis une Place d’armes aux Prétendus Réformés qui s’en emparèrent pendant les guerres du XVI Siècle. Le Duc de Guise l’assiégea après la bataille de Dreux, et il s’en serait rendu le maître, si un scélérat, nommé Poltrot, ne l’eût pas tué par un faux zèle de Religion.

Assassinat du duc François de Guise - gravure reproduite et restaurée numériquement par © Norbert Pousseur
Assassinat du duc François de Guise, le 18 février 1853
gravure extraite du Magasin pittoresque - 1846
collection personnelle

Ces 2 illustrations, le texte et les vers ci-dessous sont tirés d’une gravure du seizième siècle signée Perrissin.

Poltrot prie Dieu de bénir son entreprise.
Il tire un coup de pistolet sur le duc de Guise qui rentrait aux Valins.
Poltrot fuit.

Ce fut cest Angoulmois,
Cest unique Poltrot
(Notre parler françois
N’a point un plus beau mot),
Sur qui tomba le lot
De retirer d’oppresse
Le peuple huguenot
En sa plus grand’ destresse

 

Les remparts d'Orléans assiégé, au 17ème siècle - gravure reproduite et restaurée numériquement par © Norbert Pousseur
Les remparts d'Orléans assiégé, au 17ème siècle
gravure extraite du Magasin pittoresque - 1846
collection personnelle

 

Orléans a eu le nom de Royaume durant la première Race de nos Rois. Les quatre fils de Clovis le Grand ayant divisé ses États en quatre parties égales, chacun d’eux se dit Roi de la ville où il avait établi sa principale demeure, Childebert à Paris, Clodomir à Orleans, Clotaire à Soissons et Thierry à Metz. Ce partage fut renouvelé par les quatre fils de Clotaire, Aribert, Chilpéric, Gontran et Sigebert, et le Royaume d’Orléans étant échu à Gontran, Grégoire de Tours dit que ce Prince faisant son entrée en cette ville, une grande multitude de peuple lui vint au-devant les enseignes déployées, et chantant les louanges de Sa Majesté. D’un côté on voyait les Latins, de l’autre les Syriens et Juifs, chacun le célébrant dignement en sa Langue et criant, Vive le Roy ; ce qui fait connaitre que les Sciences florissaient dès lors en cette ville, puisque ces diverses Langues y étaient communes.
Nos Rois de la troisième Race ayant reconnu combien le démembrement de leurs États était une chose préjudiciable, ne donnèrent plus Orléans et l'Orléanais à leurs enfants qu’en apanage. Louis XIII les comprit dans celui de Gaston de France son frère, après lequel il est devenu l’apanage de Philippe de France, frère unique de Louis le Grand.

Ce fut dans la ville d’Orléans que cinq Conciles notables furent assemblés par la permission de nos premiers Rois. Le premier par le commandement de Clovis en 511. Trente-deux Évêques s’y trouvèrent, et il y fut arrêté entre autres choses, que les Abbés seraient soumis aux Évêques, qui auraient pouvoir de les punir s’ils commettaient quelque irrégularité. Le second où présida Honorât, Archevêque de Bourges, fut assemblé par Childebert. On y régla entre-autres choses l’Élection des Évêques Métropolitains, c’est à dire, qu’ils seraient élus par les Ecclésiastiques et par le peuple, et ensuite confirmés par les Évêques de la Province. Le troisième fut tenu sous le même Childebert dans la vingt-sixième année de son Règne. Saint Loup, Archevêque de Lyon y présida. On y remit en usage divers Canons de l’Église, et défenses furent faites de vendre le bien de l’Église sans l’expresse autorité de l’Évêque, Les deux derniers s’assemblèrent encore par l’ordre du même Roi, l’un en 541 où diverses choses furent réglées dans la discipline, et l’autre en 549. où l’on condamna les hérésies d’Eutichez et de Dioscore. On y en tint encore quelques autres en divers temps, selon que le requérait la necessité des affaires Ecclésiastiques.

Le fameux Denis Petau naquit à Orleans l’an 1583 et prit l'habit de Jésuite à l’âge de vingt-deux ans. Ce fut un prodige de science, par l’application continuelle qu’il eut à l’étude, et l’on peut dire à son avantage qu’il y avait peu de Théologiens plus profonds que lui, d'Historiens plus éclairés, d'Orateurs plus éloquents, de Critiques plus judicieux, et de Poètes plus ingénieux et plus fleuris. M. Perrault de l’Académie Française qui l’a placé avec beaucoup de raison parmi ses Hommes illustres, dit que dans le grand nombre de livres qu’il a composés, on ne sait ce qu’on doit admirer le plus, ou l’abondance des citations, ou l'éloquence du discours, ou l'art et la méthode avec laquelle toutes choses y sont rangées, ou son zèle pour la vérité. Il ajoute qu’il est difficile de comprendre, comment un seul homme a pu composer tant de volumes, particulièrement si l’on considère qu’il n’a jamais eu personne sous lui pour écrire ou transcrire ses Ouvrages.

Plan de la ville d'Orléans, au 17ème siècle - gravure reproduite et restaurée numériquement par © Norbert Pousseur
Plan de la ville d'Orléans, au 17ème siècle
extrait de Les délices de la France - François Savinien d'Alquie - 1670
collection personnelle

 

Artcle extrait de Les délices de la France par François Savinien d'Alquie édité en 1670
(collection personnelle)

Le seul nom d'Orléans donne une si haute Idée de la ville qui le porte, qu’elle surpasse tout ce qu’on cru pourvoit dire. Toutefois comme il faut en décrire les beautés et pour satisfaire les curieux, je tacherai d’en faire le tableau le mieux qu’il me sera possible.

Elle est assise dans la Beauce sur la rivière de Loire qui arrose ses murailles, sa forme est longue et une de ses extrémités est élevée ineffablement sur un petit coteau qui est très agréable a voir ; de sorte que quelques-uns la considérant du côté de la rivière, l'ont comparée à une ligne fort droite ; et ont dit après avoir fait le tour de l’autre côté que c’était un arc tendu.
Il y a une petite ile au milieu de la rivière remplie de belles maisons et de quantité d’arbres. On y va par un pont qui traverse depuis la ville jusqu'au faubourg Pontereau, défendu de plusieurs tours et par des bons boulevards, au milieu duquel il y a une belle Chapelle où se voient un bel. Image de la très Sainte  Vierge et les figures deCharles VII, de Jeanne d’Arc, surnommée la Pucelle d’Orleans.
La ville est entourée de bonnes murailles, et fortifiée de quantité de tours rondes remplies de terre qui sont maintenant presque ruinées, à cause des grands coups de canon qu’on leur tira pendant les derniers troubles de la Religion. Les vins qui se cueillent aux environs, passent pour si excellents, qu’on les estime des meilleurs de France, sont trop violents pour la santé : mais aussi ils en sont plus propres pour être transportés dans les pays septentrionaux.

Le pays où elle est située est rempli de vignobles mêlés de prés, de jardins, de vergers, et de terres labourables, dont la diversité est tout à fait admirable. Tout le monde est de ce sentiment, que si les Orléanais étaient moins piquants et moins guépins (qui ont la méchanceté de la guêpe - ndlr) qu’ils ne sont dans leurs paroles, ce serait un des meilleurs peuples de l’univers à raison de leurs autres belles qualités, qui sont assurément en bon nombre ; puisqu’ils sont courageux, s’entretiennent bien les uns avec les autres aiment le trafic, parlent mieux qu’en aucun endroit du Royaume, sont civils et charitables, et biens faits quant au corps et à l’esprit. Je veux croire que c’est parce qu’autrefois il y avait des Rois aussi bien qu’à Metz et à Soissons parce qu’elle est maintenant l'apanage ordinaire des Fils de France, et le séjour des plus beaux esprits du siècle. Elle a outre tous ces avantages celui d’avoir un Bailliage considérable, une des plus célébrés Universités de France, fondée par le Roi Philippes le Bel, l’an 1312 avec de très beaux privilèges confirmés par le Pape Clément V, en faveur des allemands, et des Normands, des Picards, et des Français, qui y sont en grand nombre.
L’ordre est si beau dans cette école des Sciences, que c’est une merveille de le voir : Les Allemands y ont toujours un Procureur, qui ne dure que 3 mois, comme aussi un Assesseur avec un Greffier, et son Garde-sceau, sans parler des 4 Trésoriers des 8 conseillers députés pour la décision des affaires importantes, de deux Bibliothécaires qui sont obligés d’être tous les jours dans la Bibliothèque, hormis les jours de fête, depuis une heure jusqu'à deux, pour bailler les livres qu’on leur demande, en prenant les assurances qu’il faut de celui qui les reçoit : c’est pourquoi je ne m’étonne pas, s’il y a tant d’étrangers pour étudier dans cette université ; puis qu’il y a de si belles commodités pour devenir savant. Le Bedeau a accoutumé de présenter la Matricule de la Nation aux Allemands, quand ils arrivent dans la ville afin de s’y faire écrire si on veut.

L’Église de S. Croix, est sans contredit le plus superbe édifice de la Ville ; quoique les Religionnaires l’aient ruiné dans les derniers troubles : son clocher était plus haut de : France, comme celui de Strasbourg l’est maintenant de l’Allemagne. Henry IV a remis en partie ce beau temple comme une inscription le témoigne. Sa longueur est de 180 pas, sa largueur de 140, les piliers sont de 17 toises, et le clocher en avoir 37 au-dessus et 34 de rez-de-chaussée : Elle est servie par 59 Chanoines et 12 personnes qui ont des dignités. On y voit la représentation des 4 Barons, qui se voyant captifs parmi les Turcs, en suite des guerres de la terre Sainte, firent veux à la Sainte Vierge de faire quelque chose à sa gloire, s’ils pouvaient être délivrés ; ce qui leur fut accordé ; de sorte qu’ils furent transportés, sans savoir comment, dans ce lieu.
Celle de S. Aignan n’était pas moins superbe avant qu’elle fut démolie : mais le malheur a voulu qu’elle fût entièrement ruinée l’an 1562. Il y a 31 Chanoines et 8. Dignités. Pour ce qui est des maisons Religieuses il y en a de tous les ordres tant de filles que d’hommes, lesquelles sont très belles à voir surtout le convent des P.P. Récollets qui est dans le plus bel endroit de la ville et qui a toujours des plus grands hommes du temps pour la vertu, la science, et la prédication. Ilya encore un très beau cimetière à voir près de l’église de Sainte Croix, l’Hôtel de ville dont la tour est si haute qu’on voit à découvert toute la ville, le Chatelet où on tient les prisonniers, et plusieurs autres belles maisons qui semblent des Palais. Les rues y sont fort droites et fort larges, on les a pavées d’une certaine petite pierre carrée qui les rend très agréables. Il y a aussi quantité de places tant grandes que petites : mais les principales pour la vente des blés et des vins, sont celles de l’Étape et le Mattoy où l’on exécute les criminels. S. Aignan, et les Mottes. On en voit quelques-unes où il y a des grands arbres dont l'ombrage est merveilleux et charmant, et qui servent de promenade fort agréable. Il se fait tous les ans une procession à Orleans le 12 de Mai où tous les Ordres de la ville sont obligés de l’éprouver, et vont jusques au pont où on dit une messe solennelle en mémoire de la délivrance de la ville, assiégée par les Anglais et mise a couvert de leur violence par le moyen de Jeanne d'Arc la Pucelle, Je dirai ici en passant que l’Évêque de cet aimable séjour a des privilèges très remarquables : entre autres celui de donner grâce le jour de son entrée à tous les criminels qui se présentent à lui. L’Histoire remarque que cette ville a souffert trois sièges considérables, l’un en l’an 1450 lorsque Attila Roi des Huns étant devant fût défait par Aetius général des Romains, aidé par Mérovée Roi de France et par Théodoric Roi des Goths. Le 2 est celui des Anglais sous Charles VII en l’an 1428 et le dernier arriva l’an 1563 par François Duc de Guise pour le Roy Charles IX. Enfin on doit. Dire qu’Orléans est un lieu délicieux à raison de sa belle situation, de ses bons fruits, de ses excellents vins, de ses agréables promenades, de la courtoisie de ses habitants, de la douceur de son peuple, de la charmante conversation de ses citoyens et des autres plaisirs innocents qui se trouvent dans ce beau lieu que François Ier appelait la Ville de son Royaume. J’ai cru être obligé de vous en donner le tableau après vous en avoir fait à peu près la description afin de vous satisfaire entièrement. On peut voir aux environs de cette ville Gergeau qui appartient à Mr l’Évêque d’Orléans : ce lieu à qui on donne le nom de ville est petit mais il est assez fort. Il y a un pont pour passer la rivière de Loire à la faveur duquel on peut aller voir le beau jardin joignant le château de Senaille, où il y a une roche artificielle faite de coquilles, de têts ou coques de limaçon, et de certaines petites pierres luisantes de diverses couleurs qui jettent quantité d’eau en diverses figures, ce qui e très, agréable à voir.

 

Artcle extrait du Dictionnaire universel du commerce, par Jacques Savary des Bruslons, édition de 1748
(collection personnelle)

Commerce de la Ville d'Orleans.

La Ville d’Orléans est proprement l’entrepôt de toutes les marchandises qui se transportent par la Loire sur laquelle elle est située, soit en montant, soit en descendant.
Il est vrai que la plus grande partie est destinée pour Paris, où on les conduit par les voitures de terre et par la commodité du Canal, que de l’Orléanais qu’il traverse, on l'appelle Canal d’Orléans ; mais il y en reste aussi beaucoup, partie pour l’usage du pays, et partie qui se répandent ensuite dans les Provinces voisines.
La Loire en descendant, lui procure les marchandises que produisent la Provence, le Languedoc, le Lyonnais, le Bourbonnais, le Nivemois, et le Berry ; avec celles qui entrent en France par la Méditerranée ; et la même rivière en remontant, lui apporte les marchandises de l'Océans, et celles de la Bretagne, de l’Anjou, du Poitou, et de la Touraine.

Les marchandises de tous ces endroits qu’on amène à Orléans, sont des blés, des avoines, des vins, des eaux-de-vie, des vins de liqueurs, des épiceries, des sucres, des sels, des soies, des laines, des chanvres, des huiles, du fer, de l’acier, du poisson salé de d’eau douce ; des fruits, des fromages, des bois carrés, d’autres de sciage et de charronnage, des planches de chêne et de sapin, des échalats, des bois de chauffage, du charbon de bois et de terre, de la poterie, de la fayence, des ardoises, des pierres, des cuirs, et plusieurs autres sortes de semblables marchandises, du cru des Provinces que la Loire arrose, ou qui n’en font pas éloignées.

De toutes ces marchandises, celles dont les Marchands d’Orléans font le plus grand commerce, sont les vins, les eaux-de-vie, les blés, et l’épicerie ; et de ces quatre, c’est le négoce des vins qui y est le plus considérable.
Presque tous ces derniers se voiturent à Paris par le moyen des Rouliers dont cette route est sans cesse couverte. Ils ne consistent pas seulement dans ceux de l’Orléanais ; mais encore dans quantité d’autres, qui se tirent des Provinces voisines de la Loire, et même desserves qui en sont assez éloignées, comme les vins de Languedoc et de Bordeaux.
Le nombre de ces Rouliers est si extraordinaire, que pour ne pas laisser dépérir les grands chemins, on a été obligé de fixer la charge de leurs voitures par des Règlements, qui leur défendent d’y mettre au-delà d’une certaine quantité de demies-queues de vin.

Les blés et autres grains qui se recueillent aux environs d’Orléans, n’étant pas assez considérables pour soutenir le grand trafic que ses Marchands ont coutume d’en faire, on y supplée par ceux de l’Anjou, du Poitou, de l’Auvergne, et de la Haute-Beauce, dont quand les années sont abondantes, on fait de grands amas dans les greniers et les magasins de la Ville, pour ensuite en faire la distribution dans les Provinces qui en ont besoin, et où les récoltes n’ont pas été si bonnes.

Les épiceries viennent de Provence, et Orléans en est comme l’entrepôt pour les Provinces intérieures du Royaume, qui ne les peuvent pas recevoir de la première main.

C’est de Bretagne et de la Rochelle qu’on tire les sucres bruts, qui s’y raffinent aussi parfaitement qu’en aucun autre lieu de France ; les épiciers de Paris estimant ceux qui sortent de ce raffinage plus blancs et mieux travaillés que tous les autres ; et ayant coutume de les enlever presque tous.
Il y a quatre ou cinq raffineries à Orléans, où il se consomme plus de cinq millions de moscouades.

Un moulin à papier et une verrerie, entretiennent encore un assez bon négoce dans Orléans et aux environs, où ces Fabriques sont établies, et d’où, outre la consommation de la Province, il se tire encore pour Paris et d’autres Villes du Royaume, assez considérablement des diverses marchandises qui s’y font.

Les Manufactures d’étoffes de laines d’Orléans, n’ont pas grande réputation ; et il s’y fait seulement quelques serges trémières, des serges à deux estains, des frocs et des bavettes de demie-aune de large. Il ne laisse pas cependant de s’y faire un assez grand commerce de draperies et laineries ; mais c’est moins de celles qui se fabriquent dans la Ville, que de celles qui s’y apportent du dehors, particulièrement de Saint-Agnan, de Romorantin, de Saint-Genoux, de Salbry, de Souesme, de Brinon, de Nouan-le-Fuzelier, de Vouzons, de Chartres, de Brou, d’Authon, et de quelques autres lieux de la Généralité.
Les laines qu’on emploie dans le peu d’étoffes qui se fabriquent à Orléans, font partie laines du pays, et partie de Beauce, de Sologne, et de Gatinois, qui s’achètent par des Marchands en gros de la Ville, qui les revendent en détail aux Facturiers. Les mêmes Marchands font aussi le négoce de laines d’Espagne, qui entrent dans la Bonneterie qui se fait à Orléans.

La Manufacture des bas y a toujours été très considérable : il s’en fait de deux sortes ; savoir, des bas au tricot ou à l’aiguille, et des bas au métier. La Fabrique des premiers y est ancienne et très estimée ; il s’y vend pourtant quantité de ces ouvrages qui passent pour être faits à Orléans, quoiqu’ils viennent de Beausse : mais ils sont à la vérité aussi bons que ceux d’Orléans même.
La Fabrique des bas au métier y est très moderne : et cependant commence à étouffer celle des bas à l’aiguille, qui à la vérité sont bien meilleurs, mais qui ne se fabriquant pas avec la même facilité et la même vitesse que ceux au métier, ne peuvent s’y donner à aussi bon marché.
Les Ouvriers au tricot et ceux au métier, ont chacun leur Communauté séparée ; qui chacune est composée de plus de cent vingt Maîtres, les derniers font travailler phis de quatre cens métiers.
Les Marchands de Paris, de Lyon, de Bordeaux, et autres principales Villes du Royaume, tirent beaucoup de l’une et l’autre Bonneterie ; et il s’en envoie aussi un assez grand nombre à l’Étranger.
On estime qu’il se fait, année commune, à Orléans, environ soixante mille douzaines de paires de bas, où l’on emploie quatre-vingt milliers de laines, partie laines de Berry, et parue laines d’Espagne.

Les Teinturiers y sont au nombre de seize, dont il y en a cinq du grand et bon teint. Les teintures y sont bonnes, à cause que les eaux y sont propres, outre qu’aux environs d’Orléans et dans quelques lieux de sa Généralité, il se trouve quelques-unes des drogues qu’on y emploie.

Un autre objet de commerce, qui sert à enrichir la Ville d’Orléans, est celui de la préparation des cuirs, soit forts, soit menus, qui occupent près de quarante Corroyeurs et sept Tanneurs.
Le trafic des peaux de moutons passées en huile, et apprêtées en façon de chamois, est surtout en réputation. Il s’en consomme plus de douze mille douzaines par an dans la Ville même, et l’on ne peut dire combien on en tire pour Paris, et pour plusieurs Villes du Royaume, de celles qui sont préparées avec leurs laines, et de celles qui sont passées ou en chamois, ou en blanc.

La Chapellerie y est pareillement aussi bonne, et pour ainsi dire, aussi nombreuse que la Tannerie. Plus de vingt Maîtres Chapeliers sont occupées à la Fabrique des chapeaux, partie pour la consommation du pays ; et partie pour des envois au-dehors.

On a dit quelque chose ailleurs du commerce des arbres fruitiers, qui s’est établi à Orléans depuis environ cinquante ans, et qui semble augmenter chaque jour. Ces arbres ne servent pas seulement aux plants qui se font dans le Royaume ; mais il s’en tire aussi beaucoup pour les Pays étrangers.

Enfin un dernier objet de commerce pour cette Ville, consiste dans ses confitures qui s’y font en quantité à cause du grand nombre de sucres bruts, qui s’y raffinent. Celles qui ont le plus de réputation, sont les coings et la gelée qui se fait de ce fruit, qu’on nomme Cotignac.

Il ne faut pas oublier qu’il se fait à Orléans des forces a tondre les draps, qui sont estimées très bonnes, et les meilleures après celles d’Angleterre.



Pour voir les détails de ces gravures sur Orléans
utilisez la fonction zoom, après avoir cliqué sur chacune d'elles

Zoom sur Plan d'Orléans vers  1770 - gravure reproduite par © la BNF et restaurée numériquement par © Norbert Pousseur   Zoom sur Plan d'Orléans vers  1770 - gravure reproduite par © la BNF et restaurée numériquement par © Norbert Pousseur   Zoom sur Les remparts d'Orléans assiégé, au 17ème siècle - gravure reproduite et restaurée numériquement par © Norbert Pousseur    Zoom sur Plan de la ville d'Orléans, au 17ème siècle - gravure reproduite et restaurée numériquement par © Norbert Pousseur

 

 

Haut de page

Les textes ont été transcrits et les gravures corrigées des défauts d'impression et de vieillissement.
Tout le contenu de la page est donc sous Copyright

droits déposés
Dépôt de Copyright contre toute utilisation commerciale
des photographies, textes et/ou reproductions publiées sur ce site
Voir explications sur la page "Accueil"

Plan de site Recherches Qualité Liens Contact