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Les villes à travers les documents anciens

Page de garde de L'Univers de Jules Janin

Les ruines de Palmyre (ou Tadmor) vers 1840

 

Les ruines de Palmyre - gravure reproduite et restaurée numériquement par © Norbert Pousseur
Les ruines de Palmyre en Syrie, dessin de Stranfield vers 1840

 

Texte et gravure
extraits de l'ouvrage "L'Univers - collection des vues les plus pittoresques du globe" de Jules Janin - édition ~1840

Mystérieux déserts, dont les larges collines
Dont les os des cités dont le nom a péri ;
Vastes blocs qu’a roulés le torrent des ruines ;
Immense mer d’un peuple où la vague a tari ;
Temples qui pour porter vos fondements de marbre,
Avez déraciné des grands monts comme un arbre ;
Gouffres où rouleraient des fleuves tout entiers ;
Colonnes où mon œil cherche en vain des sentiers ;
De piliers et d'arceaux profondes avenues,
Où la lune s’égare ainsi qu'au sein des nues;
Chapiteaux que mon œil mêle en les regardant ;
Sur l’écorce du globe, immenses caractères,
Pour vous toucher du doigt, pour sonder vos mystères
Un homme est venu d’Occident.

La route sur les flots que sa nef a suivie,
A déplié cent fois ses sombres horizons ;
Aux gouffres de l'abîme il a jeté sa vie ;
Ses pieds se sont usés sur les pointes des monts ;
Les soleils ont brûlé la toile de sa tente ;
Ses frères, ses amis ont séché dans l’attente ;
Et s’il revient jamais, son chien même incertain,
Ne reconnaîtra plus ni sa voix, ni sa main :
Il a laissé tomber et perdu dans la route
L’étoile de son cœur, l’enfant qui sous sa voûte,
Répandait la lumière et l’immortalité :
Il mourra sans mémoire et sans postérité !
Et maintenant, assis sur la vaste ruine,
Il n’entend que le vent qui rend un son moqueur,
Son poids courbe son front, écrase sa poitrine;
Plus de pensée et plus de cœur.


C’est ainsi que notre grand poète, M. de Lamartine, assis sur les grandes ruines d’une cité de l’Orient, exhalait son admiration et sa douleur. Sur ces hauteurs inaccessibles, se posant sur ces monuments merveilleux des hommes, il mesurait de l’œil la route de l’esprit humain. Il y a dans la contemplation mélancolique des ruines une imposante leçon qui rappelle à l’homme tout son néant et en même temps toute sa grandeur. Ces villes éparses ça et là dans le désert ont conservé leur caractère ; ces pierres renversées ont gardé tout à fait les traces du génie qui les éleva. Tout d’abord, en approchant des lieux où fut Palmyre, vous rencontrez des tronçons de colonnes, des blocs de marbre épars ça et là comme autant de feuilles emportées par le vent d’automne. Ces merveilleux débris sont entassés les uns sur les autres, comme les vagues sont entassées dans la mer. Figurez-vous une colline de marbre et de pierres, bâtie par la main des hommes: palais brisés, temples ruinés, colonnes encore debout, dont l’extrémité se détache de l’horizon bleu; ou rose, ou couleur d’or. Tel monument est encore intact, attendant Silencieusement l’heure de sa dernière ruine ; tel autre monument est couché par terre, plongé dans un repos éternel. Ce ne sont que murailles à demi renversées, longues avenues de colonnades, portiques, hiéroglyphes; — toutes sortes de grandeurs, toutes sortes de néants !
Hélas! cette ville immense où s’agitait un grand peuple, cette reine de l’Orient, cette majesté terrible et bourdonnante, elle n’a plus d’autres habitants que le chacal ; dans les débris des corniches voltigent en murmurant doucement de petites hirondelles au collier rose. Mais cette fois encore, pour donner une idée de ces ruines imposantes, j’aime mieux citer M. de Lamartine ; il ne faut pas moins qu’un poète et un voyageur pour en parler dignement :

« Les grands temples étaient devant nous comme des statues sur leurs piédestaux. Le soleil les frappait d’un dernier rayon vague qui se retirait lentement d’une colonne à l’autre, comme les lueurs d’une lampe que le prêtre emporte au fond du sanctuaire ; les seules ombres des portiques, des piliers, des colonnades, des autels, se répandaient mouvantes sous la vaste forêt de pierre, et remplaçaient peu à peu sur l’Acropolis les éclatantes lueurs du marbre et du travestin. Plus loin, dans la plaine, c’était un océan de ruines qui ne se perdaient qu’à l’horizon ; on eût dit des vagues de pierres brisées contre un écueil, et couvrant une immense plage de leur grandeur et de leur écume. Rien ne s’élevait au-dessus de cette mer de débris, et la nuit qui tombait des hauteurs, déjà grises, d’une chaîne de montagnes, les ensevelissait successivement dans son ombre.

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« Assis sur quelques fragments de corniches et de chapiteaux, nous mangeâmes rapidement le sobre repas du voyageur dans le désert, et nous restâmes quelque temps à nous entretenir, avant le sommeil, de ce qui remplissait nos pensées. Le foyer s’éteignait, mais la lune s’élevait pleine et éclatante dans le ciel limpide, et passait à travers les crénelures du grand mur de pierres blanches et les dentelures d’une fenêtre en arabesques qui bornait ce lieu du côté du désert ; elle éclairait l’enceinte d’une clarté qui rayonnait sur toutes les pierres. Le silence et la rêverie nous gagnèrent. Ce que nous pensions, à cette heure, à cette place, si loin du monde vivant, dans ce monde mort, en présence de tant de témoins muets d’un passé inconnu, mais qui bouleverse toutes nos petites théories d’histoire et de philosophie de l’humanité ; ce qui se remuait dans nos esprits ou dans nos cœurs, de nos systèmes, de nos idées, hélas ! et peut-être aussi de nos souvenirs et de nos sentiments individuels, Dieu le sait, et nos langues n’essayaient pas de le dire : elles auraient craint de profaner la solennité de cette heure, de cet astre, de ces pensées même ; nous nous taisions. »

Que pourrions-nous ajouter à ces impressions poétiques? Quelle description pourrait s’égaler à cette description ? En présence d’un pareil narrateur, que faire, sinon écouter et admirer ?

Pour voir les détails du chargement du chameau devant les ruines de Palmyre,
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Lire aussi l'article historique sur l'ancienne Syrie


 

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