| Article extrait du 'Guide pittoresque du voyageur en France', édition de 1838   Avignon. Grande,  belle et très ancienne ville. Chef-lieu du département, tribunal de première  instance et de commerce. Chambre et bourse de commerce, Conseil de prudhommes.  Société d’agriculture. Société des amis des arts. Succursale de l’hôtel des  Invalides. Collège, royal. école gratuite de dessin. Maison de santé pour les  aliénés. Archevêché.  Population  19,889 habitants.         Avignon sur le Rhône - Gravure de Thomas Allom,
 extraite de La France au XIX siècle, éd. 1845
 L’origine  d’Avignon remonte à une haute antiquité : avant la domination romaine c’était  la capitale des Cavares. Environ un siècle avant notre ère, Avignon fit partie  de l’empire romain : Ptolémée lui donne le titre de colonie ; Pline la met  au rang des villes latines, et Pomponius la cite comme la troisième de la Gaule  Narbonnaise. Cette ville passa successivement sous la domination des Goths, des  Bourguignons, des Ostrogoths et des rois d’Austrasie. Assiégée sans succès par  Clovis, elle fut regardée comme le boulevard de la Provence. Charles - Martel  la prit sur les Sarrasins, qui étaient parvenus à s’en emparer par la trahison  du duc de Mauronte. Soumise aux Carolingiens, elle fit partie du royaume  d’Arles ; plus tard elle devint la capitale du marquisat de Provence.  Après de longues contestations, les comtes de Toulouse et de Barcelone se la  'partagèrent ; mais comme ils n’étaient pas assez forts pour contraindre  les habitants de leur obéir, cette ville se déclara république impériale et  souffrit des guerres cruelles pour maintenir sa liberté. — A l’exemple du comte  de Toulouse, Avignon embrassa la cause des Albigeois. Louis VIII la prit en  1226, après un siège de trois mois, où il perdit plus de 22,000 hommes ;  il la frappa d’un impôt excessif, l’obligea de détruire sers palais,  ses fortifications et ses remparts, mais il ne changea rien à la forme de son  gouvernement. Affaiblie par ces revers, elle rentra en 125i sous la domination des comtes, qui ne laissèrent aux  habitants qu’une ombre de leur gouvernement. En 1348, Jeanne de Naples, reine  des Deux-Siciles et comtesse de Provence, vendit Avignon au pape Clément VI,  pour la somme de 80,000 florins d’or, qui ne fut jamais payée. Les successeurs  de ce Pontife la possédèrent depuis sans interruption,  jusqu’en 1663, époque où Louis XIV s’en empara, pour venger  l’insulte faite à Rome à l’ambassadeur de France. Cependant, le pape s’étant  décidé à donner la satisfaction qu’on lui demandait, cette ville lui fut  restituée. En 1688, Louis XIV s’empara une seconde fois d’Avignon, qu’il rendit  au pape en 1690. Cette ville fut encore prise en 1768, par Louis XV, pour  venger l’injure faite par le pape au duc de Parme ; il la garda tant  que  vécut le pape Clément XIII, et ne  la rendit qu’à son successeur. — Dès l’année 1305, le pape Clément V, d’après un traité fait avec  Philippe-le-Bel, avait transféré à Avignon la résidence du Saint-Siège : elle y  resta fixée jusqu’en 1377, que le pape Grégoire XI la reporta à Rome. Après la  mort de Grégoire, les cardinaux français élurent successivement deux papes en  opposition au pontife romain ; ces papes résidèrent à Avignon jusqu’en  1408. Les Français alors, fatigués du schisme, chassèrent d’Avignon le dernier  pape, Benoît XIII. Depuis ce temps les papes gouvernèrent la ville par des légats,  jusqu’en 1791, où le comtat Venaissin et la ville d’Avignon furent, réunis à la  France par un décret de l’Assemblée constituante.
    Avignon et le Chateau des Papes - Gravure de Rouargue-frères,
 extraite de de l'Histoire des villes de France d'Aristide Guilbert, éd.1854
 Le séjour des  papes contribua beaucoup à l’agrandissement et à l’embellissement d’Avignon.  Cette ville se peupla surtout de moines, de nonnes et de pénitents de toutes  les couleurs : la moitié de sa surface se couvrit d’établissements religieux.  Avant la révolution de 1789, 0n y comptait huit collégiales, vingt couvents  d’hommes, quinze de filles, dix hôpitaux ou maisons de charité, sept confréries  de pénitents, trois séminaires, soixante églises, une commanderie de l’ordre  de Malte, etc. ; plus d’un tiers de la population s’occupait, soi-disant,  de prier Dieu, et on entendait chaque jour sonner deux ou trois cents cloches.
 La  situation d’Avignon, sur la rive gauche du Rhône et sur un canal tiré de la  Durance, est des plus agréables : sur l’autre rive du fleuve, s’élève un coteau  que couronnent Villeneuve et la forteresse de Saint- André ; une plaine  d’une vaste étendue, variée de terres  labourables, de prairies, de vignes, de jardins, de champs d’oliviers,  l’environne presque entièrement. La forme de la ville est un ovale  régulier,  d’une surface légèrement  onduleuse : à l’extrémité se dresse le roc des Dons, coupé à i pic vers le Rhône  et élevé de 180 pieds au-dessus du fleuve. Cette ville est généralement bien  bâtie, mais les rues en sont peu larges et mal percées ; la plus spacieuse  est la rue Calade ; la plus animée est celle de la Ferraterie, qui est  étroite et sinueuse. Les quais qui bordent le Rhône sont magnifiques ; les  remparts, construits en superbes pierres de taille, bordés de créneaux,  flanqués de tours carrées de distance en distance et percés de belles portes,  sont les plus beaux et les mieux conservés qui existent dans tout le midi de la  France. Du haut de leur plate-forme, on jouit d’une des vues les plus agréables  sur la ville et sur les riantes campagnes qui l’entourent : on a sous les  pieds le Rhône qui, divisé en plusieurs bras tortueux, forme un grand nombre d’îles  couvertes d’arbres de la plus belle verdure ; il semble que ce soient  plusieurs rivières qui se réunissent et se séparent pour se rejoindre encore.  On découvre à l’ouest des plaines cultivées à perte de vue ; à l’est, les  Alpes de la Provence ; et au midi, la ville d’Avignon dont on embrasse  toute l’étendue, sans en excepter les quais ni les promenades qui, dans un jour  de fête, fourmillent de monde et sont encore animées par le son du tambourin  et les danses gaies de la Provence. De belles allées d’arbres plantés autour  des remparts offrent d’agréables promenades. La ville est entièrement nue  extérieurement et n’a aucun faubourg. — Sur le Rhône on voit les restes de  l’ancien pont en pierre de Saint-Bénezet, qui joignait autrefois Avignon et  Villeneuve, et dont la fameuse inondation de 1669 occasionna la destruction.  Aujourd’hui, Avignon communique avec la rive droite par un pont en bois et par  un pont de bateaux.
  Vue d'Avignon - Gravure de Charles Rauch, in Guide pittoresque du voyageur en France - éd. 1838
 La Métropole, dite Notre-Dame-des-Dons, est un antique  édifice, construit dans les premiers siècles du christianisme, sur les débris  d’un temple païen ; elle fut détruite par les barbares, et rebâtie par  Charlemagne. Cette église occupe le sommet du rocher des Dons : on y monte de  la ville par des rampes et par un long escalier, dont le sommet est couronné  d’un calvaire, et au bas duquel se trouve l’hospice des aliénés. La façade,  d’une architecture noble, ornée de guirlandes et de griffons, a été bâtie sous le  pape Paul V. La chapelle de la Résurrection, que fit bâtir l’archevêque Libelli  en 1680, est un chef-d’œuvre de sculpture. Sous le péristyle, On remarque des  pierres sculptées qui ont appartenu à un monument beaucoup plus ancien que  l’église, et sur le mur, à droite, on voit les restes d’une peinture attribuée  à Simon Memmi. Les papes officiaient dans cette église ; Innocent VI,  Urbain V et Grégoire XI y ont été sacrés. Elle renfermait autrefois le tombeau  de Benoît XII, celui des archevêques, de plusieurs cardinaux et un grand nombre  d’épitaphes. On y voit encore le mausolée de Jean XXII, ainsi que la tombe du  brave Crillion et de sa famille.
  L’église Saint-Agricol est petite et  sans apparence extérieure ; elle renferme le tombeau de Mignard, la jolie  chapelle de la famille Bianco, de Florence, et un bénitier remarquable.  L’église Saint-Pierre a été rebâtie  en 1358 ;  la façade, construite en 1512, est d’une belle architecture gothique ; les  portes offrent de riches sculptures en bois. Cette église se distingue par les  anciennes décorations dont elle est surchargée ; la chaire, en pierre  .blanche très-fine, passe pour un chef-d’œuvre de sculpture. Dans la chapelle  du Saint - Sépulcre sont des statues colossales qui paraissent appartenir an  XIVe siècle.  L’église Saint-Martial avait  autrefois trois nefs et renfermait plusieurs tombeaux aujourd’hui détruits.  L’intérieur est fort remarquable, et quoique les ornements de la voûte ne  donnent qu’une faible idée de ce qu’on a détruit, on peut encore y lire l’état  des arts dans chaque siècle, et le souvenir des mœurs des temps qu’ils retracent.  Le clocher et la partie extérieure du chœur sont particulièrement remarquables.  L’Hôtel-de-ville est un  édifice de construction irrégulière, surmonté d’un beffroi qui formait  autrefois la principale tour du palais Colonne, bâti dans le XIVe  siècle ; ce beffroi est remarquable par sa construction et par ses voûtes  inférieures. La salle de la mairie et celle du conseil méritent de fixer  l’attention par leurs peintures et leurs anciennes décorations.Palais des Papes. Ce palais,  bâti sur le penchant méridional du rocher des Dons, a été élevé par plusieurs  des papes qui résidèrent à Avignon dans le XIVe siècle. La grandeur  de cet édifice, son élévation, sa majesté imposante, ses tours, l’épaisseur de  ses murs, ses créneaux, ses ogives, cette architecture sans suite, sans  régularité, sans symétrie, étonnent le spectateur. Aucun monument ne se  présente peut-être sous un aspect aussi colossal. Dans son enceinte imposante  où tant de princes abaissèrent leurs sceptres devant la tiare, où l’on voyait  naguère des salles armoriées, des peintures de la renaissance de l’art, on ne  trouve que des murs à moitié démolis, des passages sombres, des enclos  spacieux, de vastes casernes et des prisons. L’aspect de cette masse de  bâtiments flanquée de hautes tours étonne l’étranger ; s’il en visite  l’intérieur, il ne voit pas sans surprise l’épaisseur des murs, la grandeur des  cours, la hauteur des salles, leur architecture gothique, les nombreuses  voûtes portées les unes au-dessus des autres et ornées de belles et vives peintures  à demi effacées.
  Vue d'Avignon - par Camille Saglio extraite de "La France illustrée" de Malte-Brun, éd.vers 1880
 A noter la descente du Rhône sur du bois flotté.
 L’ancien Hôtel des monnaies, situé  vis-à-vis du palais des papes, a été transformé en caserne pour la  gendarmerie. C’est un vaste quadrilatère décoré de devises et couronné d’un  balcon qui porte quatre aigles en pierre. Près de là on remarque l’auberge où,  en i8i5, fut assassiné le maréchal Brune...!
          L’Hôtel des Invalides, succursale  de celui de Paris, occupe un immense local formé des bâtiments du ci-devant  séminaire de Saint-Charles, des Célestins et de la maison Saint-Louis. Les  salles en sont spacieuses et bien éclairées, les chambres commodes, les  corridors larges et bien aérés. On ne peut entrer dans cet hôtel sans admirer  la propreté qui y règne, et la bonne tenue des militaires dont les mutilations  et les blessures retracent tant de combats, tant de bravoure et tant de gloire.  La grande cour est spacieuse, carrée, plantée d’arbres et bordée de hauts  murs. L’église est belle et très-ornée. Le jardin, ouvert au public, est  remarquable par la beauté de ses vieux ormeaux et la longueur de ses avenues :  on est frappé, en y entrant, de sa majestueuse grandeur et de sa noble simplicité.          L’Hôtel-Dieu fut fondé en 1353, sous le  titre de Sainte-Marthe, par Bernard de Roscas, troubadour distingué. Il est entouré  de spacieux jardins et renferme de grandes cours. La façade est moderne, d’une  grande étendue et très-ornée ; les salies sont vastes, commodes, propres  et bien aérées.  Bibliothèque publique. Cette bibliothèque  formée de la réunion de toutes les bibliothèques  particulières des maisons religieuses supprimées à Avignon et dans d’autres  lieux du département, est placée dans un agréable et vaste local. Elle enferme  30 000 volumes  et environ 5oo  manuscrits.  Muséum Calvet. Une belle  collection de médailles rares et d’une belle conservation ; une grande  quantité d’inscriptions, de bas-reliefs, de statues et autres objets antiques  de tout genre, découverts en différents lieux ; une bibliothèque riche en  ouvrages rares et précieux ; une collection de tableaux et un cabinet  d’histoire naturelle composent ce Musée, auquel la ville reconnaissante a  donné le nom de Calvet, parce que cet estimable médecin avignonnais en est  non-seulement le fondateur, mais a laissé des revenus pour son entretien et son  accroissement.  Le Musée de  tableaux forme une collection nombreuse et bien choisie où l’on remarque  plusieurs bons tableaux de l’Albane, Salvator Rosa, A. Véronèse, l’Orizzonte,  Caravage, le Dominiquin, D. Teniers, Berghem, Vandervelde, Ruysdal, Coypel,J. Vernet,  Mignard, Parrocel, Carle et Horace Vernet, Granet, Regnault, etc.
 On remarque  encore à Avignon l’église du Collège ; la chapelle de l’Oratoire ; le  palais de l’archevêché, les hôtels Crillon et Deleutre ; la salle de  spectacle ; le jardin de botanique ; les casernes ; le  mont-de-piété ; l’hospice des aliénés, etc., etc.
 Biographie. Avignon a  produit plusieurs hommes célèbres dont les principaux sont: le brave Crillon ;  Folard, commentateur de Polybe ; Joseph Vernet ; le jeune et courageux  Viala ; le peintre Parrocel ; l’abbé de Boulogne, évêque de Troyes et  l’un de nos plus fameux prédicateurs ; le docteur Calvet ; MM.  Fortia d’Urban et Arthaud, archéologues distingués ; M. Castil Blaze,  compositeur de musique ; etc., etc.
  Avignon, gravure extraite de la France Pittoresque d'Abel Hgo, éd. 1835
  Industrie. Fabriques  importantes d’étoffes de soie, taffetas, florence, velours, mouchoirs, toiles  peintes, plomb de chasse, laque de garance, mécaniques pour les filatures,  cordes d’instruments. Filatures de soie et de coton. Moulins à garance et à  sumac. Laminoirs pour le cuivre et le plomb. Fonderie de sonnettes, grelots et  autres objets en cuivre. Fonderie de caractères d’imprimerie. Tanneries.  Papeterie. Lavoirs de laines.  Commerce considérable  de farines, grains et légumes, dont Avignon est l’entrepôt pour le  Bas-Dauphiné, la Provence et le Languedoc ; de vins, eau-de-vie, garance,  sumac, chardons, graine jaune, luzerne, denrées coloniales de toute espèce,  soies écrues, cuirs tannés, chevaux, mulets et bestiaux. — Condition publique  pour déterminer le poids réel de la soie, etc.
 A  15 lieues de  Nîmes, 178 lieues  de Paris. — Hôtels de l’Europe, du Palais-Royal, Saint- Ives.    Plan d'Avignon  extraite de "l'Atlas de La France illustrée" de Malte-Brun, éd.vers 1880
 
   
 
 
 
 
     Voir, aussi, en ces pages, le département du Vaucluse en 1883 et sur un de mes autres sites, le Festival d'Avignon (2004)   |