| Article extrait de 'La lecture des Livres françois', par Antoine-René VOYER, édition de 1785
 Le premier des grands Gouvernements de la Russie, dont je vais  parler, est celui de la Livonie, conquête de Pierre le Grand, extrêmement avantageuse pour  l’Empire de Russie, dont elle est la barrière la plus redoutable. Cette  province, grande & importante par sa situation, devrait être une des plus  riches & des plus peuplées de la Russie. Elle le ferait en effet, si les  guerres, qui l’ont désolée pendant plusieurs siècles, ne l'avaient réduite à un  point d'appauvrissement & de dépopulation, dont elle n’a pu encore se  relever, quoiqu’il y ait plus de soixante ans qu’elle jouisse de la paix, sous  la domination des Empereurs de Russie.L’histoire de la Livonie est  vraiment curieuse &. intéressante. Les anciens Chroniqueurs font remonter cette  histoire jusqu'avant la naissance de Jésus Christ ; elle se confond avec celle  fabuleuse & romanesque du Danemark & de la Suède ; mais pour ne rien dire  que de raisonnable, il faut convenir que ce n’est qu’au douzième siècle que  quelques Marchands Allemands donnèrent au reste de l’Europe quelques  connaissances de ce grand pays, qui renferme la Livonie & l’Estonie. Il  était alors habité par trois nations ; savoir, les Lives ou Livoniens, les Lettons ou Lettoniens, & les Estions ou Estoniens. Ces derniers étaient à l’extrémité  septentrionale du pays, ils y sont reliés & ont donné leur nom à l’Estonie,  qui forme un Gouvernement à part, dont je parlerai dans un moment. Mais quant à  la partie méridionale, les deux peuples qui l’habitaient ont joint ensemble  leurs possessions. Le nom des Lives a prévalu ; la province toute entière s’est  appelée Livonie,  quoique les races des Lives & des Lettons ne se soient pas confondues,  & qu’on les distingue encore, d’autant plus qu’elles ont chacune leur  Langue, ou du moins un dialecte différent.
 La Livonie entière est allez  plate, n’ayant aucune haute montagne, mais feulement quelques coteaux. L’air y  est pur & sain, l’hiver long & rude, & l’on est obligé d’y faire du  feu pendant
 neuf mois de l’année ; mais aussi  les trois mois d’été y sont fort chauds, & la végétation si rapide, que ce  temps suffit pour obtenir une abondante récolte de grains. Les Agriculteurs  manquent plutôt aux campagnes, que celles-ci ne manquent de produire. Il y a  quelques cantons marécageux ; mais il y croît de l’herbe qui suffit à la  nourriture des bestiaux & des chevaux. Les terres arides que l’on est forcé  de laisser incultes, produisent des broussailles & des bouleaux, auxquels,  au bout d’un certain nombre d’années, on met le feu. La cendre qui se répand fur  la terre, la rend d’un grand produit pendant quelque temps, pour peu qu’on  l'ensemence. Quand l’effet de l’incendie a cessé dans un canton, le paysan  Livonien va brûler, semer & recueillir dans un autre. Cet arrangement est  sûrement d’une mauvaise économie ; mais la dépopulation du pays le permet. On  exporte toujours de la Livonie, de l’orge & du seigle plus que l’on n’y en  consomme. Il en est de même du chanvre & du lin ; mais on est obligé de  faire venir du dehors du houblon pour faire la bière. La côte est très poissonneuse,  & le poisson que l’on sale & que l’on fume, sert beaucoup à la  subsistance des habitants du pays. Il y avait autrefois beaucoup de bois ; mais  on n’a point veillé fur l’administration des forêts de la province,t  & la quantité énorme que l'on en emploie pour bâtir les maisons qui font  toutes de bois & de grosses poutres placées les unes fur les autres, est  cause que l’on commence à en manquer. Quant au bois de chauffage, on peut s’en  passer, le pays fournissant de bonne tourbe. Le gibier y est médiocrement bon,  mais commun & à bon marché. Les vaches, les brebis & les chevaux y font  de petite taille, mais bons : on fait cas des doubles bidets de Livonie, qui  sont excellents pour monter les dragons & pour les courriers ; aussi ceux qui  passent d’Allemagne à Pétersbourg, sont-ils très contents des chevaux de poste  de Livonie. Pendant l’été, on les attelle à des chariots assez légers & à  quatre roues ; l’hiver, c’est à des traîneaux, qui font beaucoup de chemin en  peu de temps avec facilité & rapidité.
 Les guerres ont si cruellement  dépeuplé ce pays, qu’il ne contient plus aujourd’hui que sept villes, tant  grandes que petites, presque plus de villages, mais feulement quelques  châteaux, métairies &  maisons isolées & éparpillées. Il y a dix ans que, malgré tous les soins du  Gouvernement, il n’y avoir pas quatre cent cinquante mille âmes dans  cette province. La plus grande partie des  habitants sont Allemands, surtout ceux que l’on trouve sur le grand chemin de  Riga à Pétersbourg. Dans les villes de quelque commerce, telles que Riga & Pernau, il y a des étrangers de toute espèce,  Suédois, Danois, Anglais, Hollandais & François.  Dans l'intérieur des terres, le peu  d’habitants qui s’y trouvent sont ou paysans Russes, ou des descendants des  Lives & des Lettons. Les premiers comme il paraît par leur langage,  tiennent des Finlandais, & les derniers, des Polonais ou des Lithuaniens.  Tous les paysans des trois nations dont je viens de parler, sont serfs ; &  quoiqu'en 1765 les Etats du pays aient engagé la Noblesse à diminuer la dureté  de cette servitude, il en reste encore assez pour rendre ces malheureux très  paresseux. Ils ne cherchent qu’à assurer   leur simple subsistance, sentant que s’ils ont quelque chose de plus,  leur Seigneur s’en emparera. Toutes les terres de Livonie sont  entre les mains d’environ deux cents  familles de Gentilshommes,
 qui ont droit d’entrer aux Etats de la province. Il y en a  plus de la moitié qui ne s’y font établis que depuis qu’elle est sous la  domination Russe. Le reste a été admis aux Etats, tant sous la possession de la  Suède, que sous celle de la Pologne ; enfin il y en a encore environ cinquante qui  sont originaires d’Allemagne, & qui ont eu dans leurs familles des  Chevaliers Teutoniques ou Porte-épées, qui les ont attirés dans ce pays. Les  jeunes Gentilshommes Livoniens prennent presque tous le parti des armes ; &  après avoir servi allez longtemps, s’ils ne parviennent pas aux grades  éminents, ils se retirent chez eux, ou ils obtiennent des emplois honorables :  car la Cour de Russie s’étant piquée d’honneur de rendre à la Noblesse  Livonienne tous ses anciens privilèges, a promis de ne donner les places  d’administration de la province qu’à des indigènes.
 Les Etats s’assemblent tous les  trois ans, & ne sont composés que de la Noblesse & de deux Dépurés de  la ville de Riga. L’assemblée commence par l’élection d’un Maréchal, qui en est  le Président, dirige les affaires pendant la tenue, administre la caisse  commune, tient le Conseil  Provincial, & correspond, pendant les trois années d’une tenue à l’autre,  avec le Ministère Impérial sur tout ce qui peut intéresser la province.
 Il n’y a point ou peu de manufactures en Livonie, faute  d'ouvriers ; moyennant quoi les productions du pays en sortent brutes, y  rentrent travaillées & s’y vendent bien cher dans cet état, quoiqu’elles  aient été données à bon marché dans l’autre ; cependant il s’y fait quelque  commerce par la Baltique. L’exportation & l’importation se font par des  vaisseaux qui arrivent à Riga & à Pernau, ou en partent.
 Toute la Livonie est Luthérienne, & divisée en cent vingt paroisses,  dont les Curés font nommés par les Seigneurs, qui les présentent au.  Surintendant ou Chef du Consistoire des Ministres, qui réside à Riga. Ce  Consistoire juge les affaires ecclésiastiques ; mais on en appelle à  Pétersbourg. En matière de Justice ordinaire, il y a de même de petits  Tribunaux, dont on appelle à un plus grand, nommé le Conseil Aulique ;.mais celui-ci ressortit  encore, en certains cas, au Tribunal du Gouverneur-Général, qui a la
 Justice suprême & la grande  Police dans la province. Enfin les affaires majeures se portent au Sénat  dirigeant, ou même au Conseil Privé de l’impératrice à Pétersbourg ou à Moscou.
 En 1158, des Marchands de Bremen  s’étant engagés dans la mer Baltique, furent jetés par la tempête à  l'embouchure de la Dvina. Ils trouvèrent ce pays agréable & fertile, comme  il l’est en effet naturellement, & prirent la résolution d’y former des  établissements &  d’y faire un  commerce. Ils y passèrent l’hiver ; & y étant revenus quelques années après  avec un plus grand nombre de vaisseaux & de Passagers, entre lesquels était  un fameux Millionnaire, nommé Saint Maynard, qui fit de grandes conversions, bâtit une église dans un  lieu nommé Vecsul, & après avoir fait un voyage en Allemagne pour rendre compte  à l’Archevêque de Hambourg de ses succès, fut sacré :Evêque de ce pays ;  y étant retourné, il établit la première  cathédrale à Kircholm, près de Riga, où cet évêché a été depuis transféré.
 Les peuples de la Livonie  restèrent pendant plusieurs années libres de se.
 convertir à la Religion Chrétienne, s’ils le jugeaient à  propos ; mais le Roi de Danemark, Canut VI, s’étant emparé de l’Estonie à la  fin du douzième siècle, & l’ayant rendue Chrétienne par force, bientôt la  Livonie eut un fort pareil.
 En 1201, Albert, un des successeurs de l’Evêque  Maynard, imagina qu’il devait être le Souverain temporel de son troupeau. Pour  cet effet, il demanda l'investiture  de  la Livonie à l’Empereur Henri VI, qui la lui accorda. Il fonda la ville de  Riga, & y fit établir par le Pape Innocent II, un Ordre militaire, dont il  fut déclaré le Supérieur Ecclésiastique, & auquel il abandonna le tiers du  pays dont il avait reçu l’investiture, à condition que les Chevaliers  l’aideraient à soumettre  le reste, non  feulement à la Foi, mais même à sa domination. Le Pape donna à ces Chevaliers  la même Règle qu’aux Templiers & aux Chevaliers de Saint Jean de Jérusalem, qui  avaient été institués dans le siècle précédent. La marque distinctive qui leur  fut assignée, fut un manteau blanc, chargé d’une croix & d’une épée rouges  ; ce qui fit qu’on les nomma Chevaliers Porte glaives ou Porte- épées, en latin Ensiferri.
 Le premier Grand-Maître de ces Chevaliers Allemands fut Vinno de Rohrbach. Peu après qu’il fut arrivé en  Livonie, accompagné d’un Légat du Pape, nommé Guillaume, Evêque de Modène, il conquit  tout le pays dont l’Evêque & ses Millionnaires convertissaient  en même temps les habitants. Mais l’an 1219, les Chevaliers furent défaits par  Waldemar II, Roi, de Danemark, qui ayant fait une descente en Livonie, battit  complètement les anciens habitants & les Chevaliers, se rendit maître à  son  tour de la Livonie & même de la  Courlande, & les joignit à l’Estonie qu’il possédait déjà. Waldemar, pour  prouver qu’il était bon Chrétien, fonda un évêché à Pilten en Courlande,  indépendamment de celui de Riga, dont l’Evêque fut obligé de le reconnaître  pendant quelque temps pour Souverain ; mais la domination ne dura pas longtemps  ; il fut fait prisonnier par un Seigneur du royaume, qui l’avoir surpris avec  sa femme. Pendant sa Captivité, les Chevaliers Porte-glaives regagnèrent du  terrain ; mais leur second Grand-Maître, nommé Schuk, fut tué dans une bataille. Ils étaient dans cet état de  faiblesse & dans l'impossibilité de conserver leur conquête, lorsque les  Chevaliers de l’Ordre Teutonique, chasses du Levant, se réfugièrent en Prusse,  dans l’espérance d’y faire des conquêtes de la même manière que celles  entreprises par les Porte-glaives. Ceux-ci proposèrent de réunir les deux  Ordres, & cette union ayant été faite & approuvée par le Pape en 1238,  les Chevaliers, se mirent de concert à combattre, & vinrent à bout de s’assurer de la  Livonie ; mais ils furent obligés, de laisser aux Danois la Courlande &  l’Estonie, dans laquelle Waldemar fonda la ville de Revel, & peu de temps  après celle de Narva.
 Les Chevaliers Teutoniques ayant établi leur domination en  Prusse, après bien des guerres & des   batailles, dont je rendrai compte en parlant de ce royaume, conçurent de  nouveaux projets d’agrandissement pour la Livonie ; ils fournirent ce qui forme  aujourd’hui les .duchés de Courlande 8c de Sémigalle ; mais l’Estonie  resta aux Danois jusqu’en 1346, que Waldemar III l’abandonna à l’Ordre  Teutonique, moyennant une somme  de dix-huit mille marcs d'argent pur. Cependant ce n'était pas sans des guerres  presque continuelles, que les Chevaliers conservaient leurs conquêtes ; ils  avaient établi en Livonie un Grand- Prieur ou second Grand-Maître, subordonné à  celui de  Prusse, & qui avait  toujours les armes à la main contre les Lithuaniens & les Russes, &  quelquefois contre l’Evêque de Riga même, qui se plaignait qu’ils usurpaient la  totalité du pouvoir donc il ne leur avoir cédé qu’une partie. Les choses  durèrent ainsi jusqu’en 1495, que  Walther de  Plettemberg  devint Grand-Prieur ou Grand- Maître de Livonie. Il fut le premier homme de  guerre de son temps. Les Russes s’étant hasardés à faire une incursion  en Livonie, Plettemberg les poursuivit,  & remporta sur eux la victoire la plus complète. Il obligea le Tzar Baille à lui demander la  paix : les Russes en profitèrent pour s’emparer de Pleskow & de Smolensko  sur les Polonais, & Plettemberg pour se rendre indépendant de l’Ordre  Teutonique. Il s’accommoda avec un Prince de la Maison de Brandebourg qui occupait  alors la place de Grand-Maître de tout l’Ordre, lui donna une grosse
 somme d’argent, & obtint de l’Empereur que le  Grand-Maître de Livonie aurait place parmi les Princes de l’Empire & séance  à la Diète. Cette réparation fut cause que les Chevaliers de Livonie firent par  la fuite leurs guerres & leurs arrangements à part, tandis que les  Chevaliers Teutoniques en faisaient de leur côté.
 En 1512, le Luthéranisme commença  à s’introduire dans la Livonie. Le Grand- Maître Plettemberg & l’Archevêque  de Riga, de la Maison de Brandebourg, le favorisèrent eux-mêmes : l’Empereur  Charles Quint eut beau leur faire des représentations  à ce sujet, l’envie de s’emparer des biens ecclésiastiques &  d’en faire leur patrimoine, les engagea à persister. Les Russes profitèrent des  troubles que ce changement de Religion occasionna dans ce pays. Le Tzar Jean  Basilowitz II y fit une irruption : le Grand- Maître Henri de Galen acheta la paix à prix d’argent ;  mais elle ne dura pas longtemps. Les Polonais & les Suédois s’étant mêlés  des troubles intérieurs de Livonie, le même Tzar Jean Basilowitz, à la tête de  ses troupes, y fit les plus grands ravages, & y exerça les plus grandes  cruautés. Pendant plus de dix ans, la Livonie fut
 la  proie des soldats indisciplinés de différentes   puissances, & enfin elle fut partagée en 1561. L’Estonie s’étant  mise sous la protection de la Suède, demeura à cette Couronne. La Livonie fut  soumise au Roi de Pologne, Grand-Duc de Lituanie. Le Grand-Maître  Gothard Kettler fut obligé de renoncer, aussi  bien que l’Archevêque de Riga, à la prétention d’en être les Princes  souverains, ou du moins de ne dépendre que de l’Empire. Kettler eut en  récompense pour lui & la postérité les duchés de Courlande & de  Sémigalle, encore en fit-il hommage à la Couronne de Pologne. Cet arrangement  dura environ un siècle ; mais il s’en fallut de beaucoup que la Livonie fût  tranquille pendant ce temps-là. Les Suédois trouvaient mauvais qu’elle fût  cédée aux Polonais. Il s’éleva de nouvelles guerres entre les deux Nations ;  les Rois de Pologne, de la Maison de Vasa, prétendirent conserver le royaume de  Suède qui se révolta contre eux. La Livonie fut en partie le théâtre de cette  guerre, qui finit en 1660, par le traité d’Oliva. Une des clauses portait que la  Livonie appartiendrait à la Suède : elle demeura plus de quarante ans sous  cette domination, & n’en fut pas moins malheureuse. Le Roi Charles XI voulut priver la Noblesse  Livonienne de ses privilèges. Ceux qui osèrent résister furent traités avec la  plus grande dureté, & le pays fut abandonné par un grand nombre de  familles. Au commencement du dix- huitième siècle, la Suède ayant déclaré la  guerre à la Russie, Pierre le Grand, après avoir livré bien des batailles, dont  la Livonie fut souvent le théâtre de la victime,  vint à bout de la conquérir, & elle lui fut cédée par le traité de Nystad,  en même temps que l’Estonie, l’Ingrie & la Carélie. Cependant une portion  de la Livonie appartenait encore à la Pologne, & servait de prétexte à un  Evêque & à un Palatin pour avoir séance   à là Dicte parmi les Sénateurs ; mais depuis les derniers arrangements  faits avec la Pologne, la province, entière dépend de la Russie.
 Cette province porte le titre de  duché, & a pour armes un griffon d’argent, tenant en main une épée nue en  champ de gueule. Les revenus du Souverain consistent dans les domaines, dont  les paysans payent une taille à la Couronne de même les Seigneurs particuliers en exigent de ceux  qui habitent  leurs terres. D’ailleurs toutes  ces terres indistinctement doivent une taxe au Souverain. Les péages & les  droits d’entrées sur les marchandises lui produisent plus d’un million de  roubles, auquel il faut ajouter une contribution de cent mille roubles qu’il  fait payera cette province, lorsqu'il a la guerre avec les Turcs.
 Riga, capitale de la Livonie, est  située au bord de la Dvina, qui la dépare de la Courlande. Cette ville n’est ni  grande ni bien bâtie, mais ses fortifications sont considérables, & elle  est riche par son commerce. Cependant elle se sent encore des sièges qu’elle a  soutenus à   plusieurs reprises. il y a vingt ans qu’il y avait dans la ville  que dix-sept cents habitants, & environ quatre mille dans les faubourgs.  Cependant on y voit trois grandes églises Luthériennes, dont la plus considérable  était cathédrale du temps du Catholicisme, dédiée à la Sainte Vierge, & a  été construite en 1211. On prêche dans une de ces églises en Langue lettonienne, ancien langage du pays, & dans  les deux autres en allemand. On y compte d’ailleurs  six églises Russes & trois dans les faubourgs. Le Gouverneur- Général demeure  dans la citadelle. Riga contient quelques autres édifices publics, tels que l’hôtel  de ville, celui où s’assemblent les collèges d’administration, & l’arsenal.  Les fortifications ont été réparées & augmentées sous le règne de l’Impératrice  Elisabeth ; elles commandent un magnifique pont de bateaux, sur lequel on  traverse la Dvina. La bonté du port y attire nombre de vaisseaux  étrangers : en 1775, il en était entré huit cent cinquante ; cependant le  fleuve n’est pas assez profond pour que les plus gros puissent y arriver sans  se débarrasser d’une partie de leur charge : ils s’arrêtent pour cet effet  auprès du fort de Dunamunde, à l’embouchure de la rivière, à deux milles de la ville.  C’était autrefois une  forteresse  considérable qui a souvent été assiégée, & qui a pour la dernière fois,été  prise par les Suédois en 1701. Elle fut fondée   en 1210 par l’Evêque Albert, qui y avoir établi un couvent de l’Ordre de  Cîteaux. La ville de Riga reconnait que son  Fondateur ce même Evêque, qui l’entoura de murailles en 1200,  & en fit le chef-lieu de ses possessions, tant spirituelles.  que temporelles. L’évêché fut érigé en archevêché en 1255, & ce siège devint bientôt si  considérable & si riche, que son Prélat était le  maître de quatre autres petites villes, & de dix-neuf châteaux.
 Quoique Pierre le Grand ait cherché à ménager la ville de  Riga, lors du siège de 1710 elle s’en est ressentie jusqu'à présent ;  d’ailleurs elle a éprouvé un nouvel accident par un incendie qui, en 1768, a  réduit en cendres tout le faubourg de Pétersbourg.
 On ne peut rien dire des villes de l'intérieur du pays, qui  font assez mal peuplées & peu intéressantes ; l’une s’appelle Wolmar ; elle a été fondée par le Roi de  Danemark Waldemar II, au treizième siècle ; une autre, Salis, bâtie dans le même temps, mais  remarquable parce qu’on y parle encore l’ancienne Langue live ou de Livonie.
 Wenden a été autrefois un lieu  considérable, & la résidence des Grands- Maîtres. Le Roi de Pologne Etienne  Battori voulut y faire ériger un évêché ; mais cette érection n’a pas eu de  fuite. Le Roi Gustave-Adolphe fit présent du domaine de cette ville a son  Grand-Chancelier Comte d’Oxinstiern, dont les héritiers ont continué de le  posséder  jusqu’à la conquête des  Russes. L’Impératrice Elisabeth le donna au Comte de Bestucheff, aussi son  Chancelier, qui la perdu par sa disgrâce, & n’a pu parvenir à y rentrer. Il  y avait un vieux château, dont la garnison & les habitants se firent fauter  en l’air, plutôt que de le rendre aux Russes en 1577. Le château de Ronebourg, actuellement ruiné, était  l’ancienne résidence des Archevêques de Riga.
 La ville de Derpt est sur le grand chemin de Riga  à Pétersbourg ; elle avait été fondée au onzième siècle, & fut érigée en  évêché en 1124 ; alors elle était riche &commerçante, & a encore un  Corps de ville & un Consistoire ;   mais elle a essuyé tant de sièges & d’incendies, qu’elle est  absolument ruinée. Le dernier incendie a été en 1775 ; on travaille à la  rebâtir.
 Pernau est la dernière ville de la  Livonie de quelque conséquence. Elle est située sur la petite rivière du même  nom, près de la mer Baltique ; elle a une assez, bonne citadelle, & un  petit port, dont le commerce n’est pas d’une grande conséquence.
 L’ïle d'Oesel est située dans la mer Baltique, vis à vis de la Livonie ;  elle est assez grande, ayant environ quatorze milles de long sur dix de large.  Le terroir est fertile ; on y trouve jusqu’à douze paroisses, & il y a eu autrefois un évêché. Elle a des  Etats & un Corps de Noblesse particulier qui s’assemblent dans la petite  ville d'Arensbourg. C'est une des meilleures  portions du Gouvernement de Riga. Il y a tout autour, jusque dans le golfe même  de Riga, plusieurs autres petites îles, dans lesquelles on parle suédois.
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