| 
  Entrée de Napoléon dans Lyon en 1815
 Gravure extraite de L'Histoire de l'Empire d'Auguste Thiers - 1879
   Lyon et ses rues Lyon, extrait du "Guide pittoresque du voyageur en France", édition 1835 Rues.  On compte à Lyon 250 rues, dont plusieurs sont fort longues,  quelques-unes larges et assez régulières. Cependant il en est peu de  véritablement dignes de la seconde ville d’un grand état. Dans les quartiers  nouveaux, les rues sont régulières et se coupent à angle droit ; mais  elles manquent de beaux édifices. En général, Lyon, surtout dans la partie  basse, est percé de communications étroites, escarpées, tortueuses, et bordées  de maisons si élevées qu’elles permettent rarement au soleil de pénétrer  jusqu’au pavé. Ces rues, presque toujours humides et fangeuses, sont d’ailleurs  mal pavées de cailloux roulés et manquent de trottoirs. Des allées obscures,  servant de passage d’une rue à l'autre, des cours étroites et sombres, une  population surabondante, et surtout des habitudes de malpropreté assez  générales, seraient des causes d’insalubrité funeste, si la nature ne faisait,  pour les détruire, plus que les habitants eux-mêmes.
 La rue Mercière est une des plus  longues, des plus fréquentées et des plus marchandes de Lyon ; mais elle  est aussi l’une des plus étroites, des plus tortueuses et des plus malpropres.
 La rue de la Juiverie était autrefois une des plus belles de la ville, et elle  est encore aujourd’hui une des plus larges : c’est dans cette rue que  Charles VIII et Louis XII donnèrent des fêtes et des tournois durant leurs  séjours à Lyon.
  Les rues les plus belles et les  plus régulières sont celles de Saint-Dominique, Royale, du Plat, Vaubecourt,  Grenette, Neuve-des-Capucins, Saint-Pierre, Puits-Gaillot, Lafont, Sala,  d’Auvergne, Clermont, Sainte-Hélène, de Puzy, Bourbon, Roger, de Jarente, de  la Reine, du Commerce, et toutes les rues nouvellement percées dans le quartier  de Perrache.  Lyon s’est embelli récemment d’un  passage couvert, désigné sous le nom de galerie de l’Argue, qui communique de  la place de la Préfecture à la rue de l’Hôpital. Ce passage a 460 pieds de  longueur sur 14 de large, et 96 arcs de magasins presque tous occupés par de  jolies boutiques. Un nouveau passage par la place Grenouille met la galerie de  l’Argue en communication directe avec la place des Terreaux : ce passage  est plus étroit que l’autre, les boutiques en sont plus profondes et occupées  par des étalagistes. 
 Recherches sur les enseignes curieuses de Lyon   Texte et illustrations de A Steyert, in Le Magasin pittoresque - année 1855  Enseigne de chirurgien du Musée lapidaire de Lyon vers 1850,
 dessin de A. Steyert, extrait du Magasin pittoresque - année 1855
   Il s’est conservé à Lyon un grand  nombre de vieilles enseignes ; on en compte encore plus de quatre-vingts, les  unes figurées, les autres simplement indiquées par une inscription ; il  faudrait même doubler ce nombre, si l’on y ajoutait celles que cachent les  devantures de magasins ou qui ont disparu par suite de démolitions toutes  récentes ; mais il ne paraît point qu’aucune remonte au-delà des premières  années du seizième siècle, à moins que l’on ne regarde comme enseignes des  animaux sculptés sur la façade du numéro 1 de la rue Saint-Jean, et un petit  monument conservé au Musée lapidaire, lequel représente un chirurgien occupé à  panser la jambe d’un pauvre pèlerin blessé, dont le geste et l’expression  dénotent la douleur ; le costume et le style indiquent la seconde moitié  du quinzième siècle. Le sujet et ses proportions peuvent convenir à une  enseigne ; mais il n’existe point de document sur l’origine et la  destination de cette œuvre. Du reste, la rareté d’enseignes très anciennes  s'explique naturellement par le fait que, dans la ville de Lyon, un très-petit  nombre d’édifices privés survécurent à la révolution artistique ou plutôt commerciale  qui signala dans cette ville les premières années de la renaissance.  Enseigne du grand cheval blanc, 10 rue de Grenelle à Lyon, vers 1850
 dessin de A. Steyert, extrait du Magasin pittoresque - année 1855
 L’enseigne du grand Cheval-Blanc date du règne de Louis XII. Exécutée en ronde bosse, sur de très grandes  proportions (demi-nature), elle représente un vigoureux coursier richement  enharnaché, et conduit par un petit page. L’excellence du travail, la beauté  des formes, la naïveté des mouvements, la disposition originale de l’ensemble  par rapport aux différents points de vue sous lesquels il peut être observé,  rendent ce morceau assez remarquable. Il est peint et doré au naturel ;  mais, par suite de restaurations successives, le page a été transformé en  négrillon, sans doute au dix-huitième siècle, alors que les domestiques noirs  étaient à la mode. L’importance de cette enseigne ne permet pas de l’attribuer  à une hôtellerie ; elle fait d’ailleurs partie intégrante de l’édifice  auquel elle appartient ; elle est donc de l’ordre de celles qui servaient  de désignation aux maisons elles-mêmes. Toute explication de cette ligure peut  paraître hasardée ; cependant elle rappelle une anecdote qui, par la  coïncidence des lieux, des dates et des faits, aussi bien que par son propre  intérêt, mérite quelque attention. C’est un épisode de la vie de Bayard.
 Il était page au service du duc  de Savoie, lorsque ce prince, se rendant à Lyon auprès de Charles VIII,  l’emmena avec lui. Bayard, alors fort jeune, était maigre et chétif plus encore  qu’il n’est ordinaire à son âge ; mais il passait pour si habile cavalier,  que le duc ne manqua pas à la première occasion d’en parler devant le roi, qui  témoigna le désir de le voir à cheval le jour même. Le jeune page ne se  trouvait pas là ; « mais tantôt lui fut racompté et comment le roy le  vouloit veoir sur son cheval, et croy que s’il eust gaigné la ville de Lyon,  n’eust pas esté si aise. » Aussitôt il alla s’équiper, monta « sur  son roussin, lequel était si bien peigné et accoustré que rien n’y défailloit. »  Puis il fut dans la prairie d’Ainay attendre le roi, qui ne tarda guère. « Incontinent  qu’il fut hors du bateau, va veoir sur la prée le jeune Bayard sur son roussin.  Si luy commença à crier : Page, mon ami, donnez de l’espron à votre cheval ;  ce qu’il fist incontinent, et semblait à le veoir départir que toute sa vie  eust fait ce métier... Si commença le roy à dire à monseigneur de Savoie :  Mon cousin, il est impossible de mieux picquer ung cheval ; et puis  s’addressant au page, il luy dist : Picque, picque encores ung coup. Après  les parolles du roy, les pages luy crièrent Picquez, picquez ; de façon  que depuis par quelque temps  fut  surnommé Picquet. »
 à la suite de cette aventure, il passa au service du  roi de France, et, quelques années après, Charles, se trouvant de nouveau à  Lyon, Bayard à peine hors de page y faisait ses premières armes dans un  tournoi, à la grande satisfaction des dames lyonnaises. Il n’est pas impossible  que, dans la suite, le riche bourgeois qui faisait construire cette maison ait  voulu rappeler le souvenir du petit Picquet, « dont humaines louënges  commençoient alors à s’espandre par toute la chrestienté (‘). » Quoi qu’il  en soit, le grand Cheval-Blanc est assurément un monument non équivoque des  tournois qui furent donnés dans la rue Grenette pendant les séjours de Charles  VIII.
 {') Très-joyeuse, plaisante  et récréative histoire, par le loyal serviteur des faits et prouesses du  bon chevalier sans paour et sans reproche, le gentil seigneur Bayart. —  Callat—Petitot, Ire série, t. XV
  Enseigne du Petit cheval blanc, 48 rue de Vaise à Lyon, vers 1850
 dessin de A. Steyert, extrait du Magasin pittoresque - année 1855
 Nous reproduisons en même temps  un petit bas-relief antique transformé en enseigne, et qu’il est curieux de  comparer avec le grand Cheval-Blanc à cause de l’identité parfaite de la  composition.
  Enseigne du Phénix, 3 rue st Georgesà Lyon, vers 1850
 dessin de A. Steyert, extrait du Magasin pittoresque - année 1855
 Le Phénix date du règne de Henri  II, ainsi que le Croissant couronné ;
  Enseigne Le croissant couronné, 11 rue de Paradis à Lyon, vers 1850
 dessin de A. Steyert, extrait du Magasin pittoresque - année 1855
 la rue Paradis, où se trouve ce  dernier, fut ouverte au milieu du seizième siècle ; il est tout naturel  d’y trouver l’emblème du prince qui régnait alors.  
  Enseigne La Bombarde, 10 rue de la Bombarde, à Lyon vers 1850
 dessin de A. Steyert, extrait du Magasin pittoresque - année 1855
 A la Bombarde, est une  enseigne refaite et déplacée en 1772 ; mais les anciens bâtiments en ont  gardé le nom, et on montre encore l’hôtellerie dont, il y a deux cents ans,  Monconys parlait ainsi.
 Le bon Seigneur vous contregarde,
 Vous qui logez à la Bombarde,
 Devant Saint-Jean, près du Palais!
 Vivez toujours en bonne paix !
  Enseigne Le Boeuf, rue du Boeuf, à Lyon vers 1850
 dessin de A. Steyert, extrait du Magasin pittoresque - année 1855
 Le bœuf placé à l’angle de la rue  du même nom est attribué à Jean de Bologne.
   à l’Assomption, rue Belle-Cordière,  n° 21, immense bas-relief dont il n’est resté que le cadre de pierre et ces  mots au-dessous : assumpta est  cœlum. Les clefs d’arche du n° 12 de la rue de la Monnaie portent des  insignes de métier que l’épaisseur du badigeon ne permet plus de reconnaître.  D’autres enseignes de la rue Gentil et de la rue Saint-Jean sont de même  indéchiffrables.  Enseigne La Gerbe, rue de la Gerbe, à Lyon vers 1850
 dessin de A. Steyert, extrait du Magasin pittoresque - année 1855
  Aux premières années du  dix-huitième siècle appartient l’une des plus belles enseignes de Lyon, celle  de là Gerbe. Elle est remarquable, non par ses proportions, qui sont assez  restreintes, mais par la perfection du travail, qui dénote un ciseau habile et  exercé. Alors les artistes les plus célèbres ne dédaignaient pas de mettre la  main à de modestes travaux ;  Enseigne à l'envie du pot, 27 quai de Bourgneuf, à Lyon vers 1850
 dessin de A. Steyert, extrait du Magasin pittoresque - année 1855
  on peut, sans trop de présomption, chercher  l’auteur de cette petite composition parmi les noms des grands sculpteurs qui  illustraient Lyon à cette époque, 
1718, à l’Envie du Pot. L’un  des deux personnage, par son turban et son accoutrement bizarre, représente un  étranger : le voici qui accourt d’un pays lointain, attiré par la renommée  du potier. Le quai de Bourgneuf était le quartier de ces industriels :Comme aux faubourgs les fumantes fournaises
 Rendent obscurs les circonvoisins lieux,
 disait un poète lyonnais du seizième siècle.
 Le symbolisme populaire,  chassé des cathédrales par les idées nouvelles, avait trouvé un refuge dans les  édifices privés ; il n’y avait pas jusqu’aux figures les plus vulgaires  qui n’eussent parfois un sens moral qui échappe maintenant à notre vue. Au  dix-huitième siècle, le goût des emblèmes ridicules et des calembours ne fit  que s’augmenter ; mais, les allégories et les moralités furent bien moins  en vogue.
  Enseigne Sunt similia tuis, 1715, place du Marché, Vaise, à Lyon vers 1850
 dessin de A. Steyert, extrait du Magasin pittoresque - année 1855
 A Vaise, sur un marbre entouré  de cornes de toute nature, on lit : Sunt similia tuis, 1715 (Ils sont comme vous) ;  la même inscription et les mêmes ornements sont reproduits rue Bourgchanin,  n° 36, mais avec la date de 1720. Il existe dans le quartier Saint-Georges un  cabaret célèbre, depuis un siècle au moins, par une cérémonie burlesque. Quand  un nouveau client s’y présente, le maître du lieu apporte gravement une vaste  coupe pleine de vin, enchâssée entre deux bois de cerf, qui s’élèvent au-dessus  et la dépassent au-dessous de telle façon qu’on ne peut la disposer que sur un  support destiné à cet effet. Cependant le cabaretier répète les couplets d’une  chanson bouffonne, tandis que son nouvel hôte vide la tasse ; mais  celui-ci ne peut achever de boire sans s’engager la tête entre les deux cornes.  Tout près de là, il y a l’enseigne de la Corne de cerf, et dans la rue Grolée,  une Tête cornue.
  Enseigne La corne de cerf, 30 rue st Georges, à Lyon vers 1850
 dessin de A. Steyert, extrait du Magasin pittoresque - année 1855
  Enseigne à la Cage, 1749, 19 rue de la Cage, à Lyon vers 1850
 dessin de A. Steyert, extrait du Magasin pittoresque - année 1855
  Enseigne Au vert galant, 1759, 13 rue Henry, à Lyon vers 1850
 dessin de A. Steyert, extrait du Magasin pittoresque - année 1855
   A la Cage, 1749 ; au Vert  galant, 1759, où est sculpté un jeune homme qui semble offrir gracieusement un  verre ; une enseigne détaillée, inscrite sur une petite plaque de marbre,  place des Cordeliers, n° 23, et ainsi conçue : la Mule au buisson,  magazin de tapisseri d’Auvergne et d’Allemagne, sont des exemples de la  manière dont on entendait alors les jeux de mots.
  Enseigne de l'Arbre sec,  n° 15 de la même rue, à Lyon vers 1850
 dessin de A. Steyert, extrait du Magasin pittoresque - année 1855
 Un grand nombre de rues  doivent leur dénomination à des enseignes de cette époque, encore visibles. Ce  sont les rues de la Lune, Raisin, Trois-Caneaux, Grand-Cornet, Bât-d’Argent,  de l’Arbre-Sec, Plat-d’Argent. Sur le drapeau d’un des vingt-huit personnages  de la Cité, avant 1790, on voyait un lion se garantissant d’une nuée de flèches  avec le plat d’argent ; la légende était : De lance fit  clypeus (Le plat devient bouclier). La rue Treize-Cantons, ou il y a une  hôtellerie décorée des armoiries des treize cantons suisses peints autour  de l’aigle autrichienne. Deux cavaliers de la maréchaussée du temps de Louis XV  étaient peints à l’entrée de la cour des Archers ; on les voyait  encore il y a quelques années. L’enseigne du Cheval noir est aussi une peinture :  ce sont les seuls exemples de ce genre, aussi répandus peut- être que la  sculpture, mais d’une conservation plus difficile.
 On plaçait des enseignes au  milieu des grilles et des ornements qui ferment les arcs des portes d’allée.  Telles sont : la Toison d’or, rue Lanterne ; saint Denis, rue Neuve ;
 au Lion dévorant un bœuf, rue Saint-Marcel ; et  quelques autres.
  Enseigne Le Cheval d'argent,  rue puits-Gaillot, à Lyon vers 1850
 dessin de A. Steyert, extrait du Magasin pittoresque - année 1855
 A la même époque appartiennent  aussi : le Bras d’or, rue Mercière ; le Louis d’or, le Cheval  d’argent, le petit Cheval blanc, 1764, rue Tupin, en face du grand Cheval blanc ;  le grand Cheval marin, rue Bourgchanin ; au grand Pélican, 1755, enseigne  dorée, rue Confort, n°13, primitivement suspendue à une tringle de fer.
  Enseigne Le Merle, 53 rue de l'Hôpital à Lyon vers 1850
 dessin de A. Steyert, extrait du Magasin pittoresque - année 1855
 Le  Merle, l’Oie, rue Palade-Grillet ; une tête de bœuf, de grandeur  naturelle,  rue Port-Charlet, n° 43 ;  
  Enseigne Aux deux Vipères,  1764, 7 rue Raisin, à Lyon vers 1850
 dessin de A. Steyert, extrait du Magasin pittoresque - année 1855
 Aux deux Vipères, 1764, où il y avait une école de pharmacie : c’était  aussi la marque des de Tournes, imprimeurs qui illustrèrent les presses lyonnaises  du seizième au dix-huitième siècle ; leur enseigne est au n° 9, mais elle  n’est pas visible ; ils y joignaient cette devise : Ne vis alteri  feceris quod tibi fieri non vis (Ne faites pas à autrui ce que vous ne  voudriez pas qui vous fût fait). Au petit Versailles, rue Tramassac ; à  l’hôtel de la Cornemuse, rue Quatre-Chapeaux ;   Enseigne Aux point du jours,  10 rue de Jussieu à Lyon vers 1850
 dessin de A. Steyert, extrait du Magasin pittoresque - année 1855
 aux trois Cornets, aux  trois Poissons, aux deux Dauphins dorés, au Point du Jour, au grand Amiral, rue  Belle-Cordière ; aux SSSS, aux quatre Sœurs, maison donnée à l’Hôtel-Dieu  par quatre sœurs hospitalières ; Dombiste, maison ornée de bourdons et de  coquilles, grand’rue de la Guillotière ; aux trois Pèlerins, 1738, rue  Bonnevaut, n° 17 : c’étaient trois frères qui avaient fait le pèlerinage  de Saint-Jacques de Compostelle. Ces demi exemples justifient ce que nous avons  avancé plus haut, que l’on profitait des enseignes pour montrer que l’on avait  porté le bourdon. Un grand nombre, enfin, d’images pieuses : la Croix  verte, la Croix d’or, la Croix de Malte, rue des Prêtres, n° 36, près de  l’ancienne commanderie de chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem ; à la  Gloire de Dieu, rue de la Pouille, n° 6, à Fourvières, 1726 ; à Notre-Dame  de Lorette, au-dessous d’un cadre vide, il est resté cette inscription en  italien : Figura délia santa casa di Loretto, 1717, place  Grenouille, n° 31 ; à saint Claude, 1759, ruee Bat-d’ Argent ; au petit  saint Jean, rue Stella ; à la Madeleine, rue Gentil ; à sainte  Agathe, rue Terraille ; à la petite Notre-Dame, rue Bourgchanin ; à  Notre-Dame de Pitié, rue de l’Hôpital, etc.  De nos jours, les enseignes ont  subi une révolution complète ; les numéros indicateurs ont fait  disparaître celles qui servaient à désigner les maisons, et enfin on a remplacé  les figures et les emblèmes des marchands d’autre fois par d’immenses panneaux  de mille couleurs, couverts de lettres gigantesques sous lesquelles le  caractère architectonique de l’édifice est entièrement défiguré ; les  vieux symboles ont cédé la place aux formules monotones des titres et des  raisons de commerce. Cependant, parmi les enseignes contemporaines,  quelques-unes sont remarquables. Après l’insurrection d’avril 1834, un pauvre  cabaretier trouva trente-deux boulets dans sa maison dévastée ; il les  étala sur une tablette et écrivit sur sa porte : aux Trente-deux boulets  d’Avril ; un autre, au Vaisseau, qui eut beaucoup à souffrir de la terrible inondation de  1840, modifia ainsi son enseigne : au Vaisseau naufragé ; à la  Chapelle d’or, au Poulet, et ailleurs un pont et une fontaine, sont des noms  propres en rébus ; à la Clef d’or, enseigne de maison toute récente ;  un dégraisseur, au Signe (cygne) de la propreté ; un vannier, à l’Homme  d’osier ; et quelques emblèmes ridicules : à la Femme sans tête,  autrement dite la Bonne femme ; un cordonnier, à la Sirène ; un  coiffeur, aux Ciseaux d’Atropos!  La plupart des enseignes que nous  avons mentionnées appartenaient à des maisons ; celles des boutiques,  destinées fi être souvent déplacées, étaient mobiles et fragiles. Il en est  resté de curieux exemples aux magasins des droguistes, qui presque tous ont  conservé à cet égard les anciens usages. Dans la rue Lanterne, où ils habitent,  on retrouve l’aspect extérieur des boutiques telles qu’elles étaient au siècle  passé ; ouvertes sous de vastes arcades de pierre, d’un côté est ménagée  la porte, de l’autre s’élève un mur à hauteur d’appui, sur lequel est placée  ordinairement l’enseigne, quand elle n’est pas sur le seuil même. Là on étale  toutes sortes d’animaux étranges, quelquefois empaillés, comme Je Loup cervier,  l’Ours blanc ; ou bien en bois peint, en fer repoussé et de grandes  proportions : au Cheval marin, à la Licorne, la symbolique ennemie des  poisons ; au Centaure, au Serpent boa, à l’Antilope, etc.  Enseigne de Droguiste,  rue Lanterne à Lyon vers 1850
 dessin de A. Steyert, extrait du Magasin pittoresque - année 1855
  Nous compléterons cet essai en y ajoutant quelques-unes des  enseignes remarquable qui n’existent plus. En 1464, Juvénal des Ursins, envoyé  par le roi pour terminer un différend entre le duc de Bourbon et le comte de  Savoie, logeait à l’auberge du Porcelet (du petit porc), où quelques années  après trois jeunes seigneurs étaient écrasés dans leur lit par la chute d’un  plancher. J.-J. Rousseau, à Lyon, datait une de ses lettres de l’hôtel de  l’Epée royale, rue Gentil. La rue Bourgchanin, outre les enseignes que nous  avons citées, en possédait un grand nombre d’autres qui ont été détruites il y  a une dizaine d’années : aux Singes, au Roi d’or, à l’Arche d’alliance ;  celle-ci était accompagnée d’une amplification ingénieuse du Décalogue que l’on  découvrit en démolissant la maison :Sers Dieu de tout ton cœur ; honore père et mère ;
 Obéis à ton roi, justice aussi révère ;
 Sois humble et débonnaire ; évite faux serment ;
 Choisis le vrai ami ; vis toujours sagement ;
 Pour conserver ton bien, l’avoir d’autrui ne touche ;
 Rends le prêt, oy parler et clos souvent ta bouche ;
 Ne blâme ton prochain, sois clément, hais le tort ;
 Fais bien ; plains l’affligé, ne t’esjouis du mort ;
 Choisis un bon conseil, au plus sage te fie ;
 Et lors Dieu bénira ta maison et ta vie.
 1612.
 
Vers le pont de pierre, à  quelques mètres des roches où la Saône écume et bouillonne, elle se calme  subitement, et cache sous son onde uniforme et tranquille un abîme profond, à  demi-comblé aujourd’hui, et qui porte le nom significatif : la Mort qui  trompe ; au carré formé par les rues Mercière, Chalamont et des  Souffleliers, un marchand avait pris pour enseigne les héros des danses  macabres sonnant de la trompette, avec ce calembour : à la Mort qui  trompe. Le voisinage du gouffre dont nous venons de parler lui avait sans doute  inspiré ce terrible jeu de mots, qui du reste était tout à fait dans les mœurs  du temps. En 1620, on voyait une tête de mort peinte à la porte d’une boutique ;  la rue s’appelle encore rue Tête-de-Mort. Les dénominations des rues nous ont  ainsi conservé le souvenir de plusieurs enseignes. Telles sont les rues de la  Palme, des Joncs, de la Plume, Pomme-de-Pin, des Quatre-Chapeaux, de la Sphère,  de la Grenouille, de l’Arbalète, du Charbon-Blanc, du Palais-Grillet ; un  vieux puits, sorte de cloaque, de citerne boueuse dont l’image servit ensuite  d’enseigne, a laissé son nom à un quartier de la ville : au Puits pelu ou  peloux (de péloû, boue) ; dans la rue Petit-David il y avait, en  1660, une statue « du petit David qui coupa la tête à Goliath. » Il  n’y a pas longtemps que l’on a démoli, dans la rue Lanterne, une maison à  l’angle de laquelle était sculpté un grand lion debout tenant entre ses pattes  une lanterne ; antérieurement les murailles de la ville étaient près de  là, et il y avait une porte dite de la Lanterne : ici c’était l’enseigne  qui avait pris le nom de la rue.  Dans la rue du Bœuf, il y avait  un Bacchus et une Flore ; au Change, une Trinité de trois têtes en une,  soutenue par deux anges, de Germain Pilon ; dans la rue Tupin, l’enseigne  de l’Empereur Pépin ; dans la rue Lainerie, celle des Gentilshommes  français ; il y est resté un excellent morceau de sculpture sur bois ;  à la porte du pont du Rhône (démolie pendant la révolution), une Truie qui  porte ses petits dans une hotte, fort antique ; et enfin, dans la rue  Thomassin, avant 1848, l’enseigne des Gryphe, imprimeurs célèbres du  dix-huitième siècle : elle représentait un griffon, et au-dessous leur  nom, Gryphius. Ils accompagnaient ordinairement cette marque d’une  phrase tirée des lettres familières de Cicéron et qui se lit encore à  l'ancienne loge du Change, comme devise des négociants Lyonnais :VIRTUTE DUCE, COMITE FORTUNA.
  Dans celte longue énumération, on reconnaît tout d’abord  une double origine à ces emblèmes ; les  uns, historiques, rappellent des faits ou des légendes ; les autres  mettent en action des jeux de mots, ou représentent des noms figurés, des  symboles parlants. On pourrait encore établir d’autres divisions, suivant qu’on  les considérerait sous le rapport artistique, symbolique ou moral, etc. La  philologie, l’histoire, l’anecdote, aussi bien que le pittoresque, gagneraient  sans doute à la conservation et à l’étude de ces figures.Il y a environ cinquante ans, un  droguiste avait à sa porte un perroquet ; l’oiseau bavard était le favori  des crocheteurs du port du Temple, ses voisins. Alors les églises se rouvraient  et le catholicisme inaugurait son rétablissement par les cérémonies du jubilé  séculaire, forcément retardé jusque-là. Chaque jour le clergé et les fidèles  passaient en procession devant le perroquet qui, tout étonné et silencieux,  prêtait une oreille attentive à des chants si nouveaux pour lui ; il en  retint quelque chose, et désormais, quand il lui arrivait d’apostropher un  passant stupéfait de ses épithètes favorites : Maton, Mathéion ! accompagnées d’un juron énergique, il ne manquait pas d’ajouter d’un ton  pénétré : Ora pro nobis. Il n’en fallut pas plus pour le rendre  célèbre par toute la ville ; on s’assemblait autour de la boutique, on  applaudissait, on pérorait. Cet oiseau remuait les passions populaires avec  autant de puissance que la voix d’un tribun ou les refrains émouvants d’un  chant patriotique ; et si de nouvelles luttes intestines avaient divisé  les citoyens, ces phrases monotones seraient peut-être devenues, pour les  Lyonnais, un appel aux armes et un cri de ralliement. Enfin, quand le perroquet  vint à périr, son maître crut devoir à sa renommée de conserver au moins son  image ; il en fit une enseigne qui a résisté aux déménagements et que l’on  voit sur la place de la Préfecture, au Perroquet vert. Mais qui voit  maintenant dans cet oiseau de bois peint un monument des idées et des mœurs  d’une époque ? Qui songe à y rattacher la mémoire de quelque fait important de  nos annales ? Il n’est pour les passants qu’un emblème vulgaire et inexplicable.  C’est peut-être là l’histoire de plusieurs enseignes dont nous ne comprenons  pas le sens et qui nous paraissent absurdes
   |